Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/569

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monumens publics, — et dans les villas, les écoles, les asiles, le tudor, genre ogival fleuri du temps d’Elisabeth et qui est resté en grand honneur en Angleterre.

On a, comme d’habitude, son bureau en ville pour les affaires, et son foyer, sa maison privée, le home si cher à l’Anglo-Saxon, dans un quartier retiré, paisible. La maison ou cottage est isolée, entourée d’un jardin, bâtie avec recherche. Il y règne un grand luxe au dedans, souvent de mauvais goût : on s’aperçoit bien vite que ces gens n’ont pas encore eu le loisir de se façonner doucement à l’intuition, à la connaissance des belles choses. Les quartiers riches de Buffalo, de Cleveland, méritent d’être cités. Ils s’alignent le long de ces rues si larges, toutes plantées d’arbres, qu’on nomme des avenues. Il y a là de somptueuses demeures qui peuvent compter parmi les plus confortables de l’Amérique. Cela n’empêche pas que dans toutes les villes de l’ouest on ne vive encore plus volontiers à l’hôtel que dans les villes des bords atlantiques. Il est beaucoup plus difficile ici qu’à New-York de trouver des domestiques qui vous servent. Ceux qui veulent bien s’y plier ne consentent pas à être appelés autrement que des aides, helps. Ils se regardent comme vos égaux, vous parlent familièrement, le chapeau sur la tête, se refusent à travailler le dimanche ; ils ne tolèrent aucune observation et partent au moindre reproche.

Toutes les villes sont ornées de squares ombreux. Quelques rues marchandes, formant les principales artères, sont très larges et toujours d’une grande élégance. Elles peuvent lutter pour le luxe des magasins, l’éclat des devantures, avec la rue de la Paix de Paris ou Piccadilly de Londres. Les quartiers réservés au grand commerce, c’est-à-dire aux affaires de négoce, de marine et de banque, sont sales, encombrés, pleins d’agitation pendant le jour, absolument silencieux la nuit, comme Wall-street à New-York. Chaque ville a son parc, un bois de Boulogne en raccourci, où toutes les après-midi, sauf le dimanche, partout religieusement observé, on va se promener en voiture, à cheval, et entendre la musique. Les jeunes misses se plaisent à conduire elles-mêmes leur phaéton et font entre elles assaut de vitesse et de toilette. Elles sont encore plus folles, plus turbulentes que leurs sœurs de New-York, de Baltimore ou de Philadelphie, et leur bonhomme de père, le vieux, the old man, comme elles l’appellent avec irrévérence, qui gagne ce qu’il veut dans les affaires, n’impose guère de frein à leurs coûteux caprices. On les rencontre très souvent en Europe, en villégiature transocéanique, dans quelque grande capitale, dans quelque ville d’eaux, ces Américaines échevelées de l’ouest. Elles traînent derrière elles leurs parens, la mère transformée en une duègne bonasse, le père en un nobleman d’apparat. Elles leur font faire tout ce qu’elles