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sans retard pour éviter les complications que pourrait amener sa présence sur le territoire d’In-Çalah.

M. Soleillet s’exécuta prudemment. Parti d’Alger le 29 décembre 1873, il y revenait le 2 janvier 187A, ramenant avec lui un certain nombre de naturels du pays. Ces indigènes, qui avaient apporté avec eux quelques objets d’échange, — plumes d’autruche, échantillons d’alun, de salpêtre et de roses sèches, — sont retournés d’ailleurs très mécontens des bas prix qu’ils en avaient trouvés. Le voyage de M. Soleillet a donc manqué son effet ; c’est une tentative à reprendre. À cette heure, la chambre de commerce d’Alger, qui n’a pas cessé d’appuyer l’explorateur, fait appel aux chambres de. commerce de la métropole pour solliciter d’elles un concours, soit en argent, soit en nature. Souhaitons à ce voyageur bon succès, et puissent ses tentatives donner bientôt les meilleurs résultats !

Les conditions qui peuvent assurer la réussite, selon M. Soleillet, sont les suivantes. Si l’on se présentait muni d’une lettre du sultan du Maroc ou du chérif de Aouellam, rien ne pourrait s’opposer à une réception immédiate dans les villes du Tidikelt et du Gourara. Il est essentiel que la caravane d’essai ait un caractère exclusivement commercial ; on ne saurait trop faire pour calmer ces appréhensions, si habilement exploitées, qui nous représentent toujours à ces populations comme cherchant à étendre notre conquête et à agrandir notre territoire dans le sud. C’est de là que vient l’éloignement de ces populations pour une nation comme la nôtre, qui, placée à leurs portes, est restée jusqu’à ce jour sans aucune relation avec elles.

Parlons enfin d’un agent actif de la France dans l’extrême sud de l’Algérie, agent qu’elle utilise à cette heure, car depuis trois mois il est de nouveau en voyage : c’est un Juif indigène du Maroc, le rabbin Mardochée (Mordokhaï Aby-Serour). Il nous paraît destiné à rendre de très grands services. Né à l’oasis d’Akka, dans la province de Draa (Maroc), Mardochée offre l’exemple de ce que peut une volonté énergique associée à l’esprit aventureux du Juif. A neuf ans, il a quitté son pays pour tenter la fortune ; il a d’abord gagné l’Espagne, puis la France, et s’est ensuite embarqué à Marseille pour la terre-sainte. Là, il passe cinq ans à Jérusalem, où il acquiert, à force d’études, le droit de porter le titre de rabbin ; puis par l’Égypte, la Tripolitaine, la Tunisie et l’Algérie, il regagne le pays natal. Son vieux père était malade et sans ressources ; aussitôt le docteur se fait négociant. Connaissant assez des mœurs et des coutumes de l’islam pour s’aventurer sans péril dans le sud, il s’en va trafiquer avec le pays des nègres. Il a visité déjà In-Çalah, le Touât ; il peut essayer d’étendre ses entreprises jusqu’à Timbektou. Secondé par une