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recherches toutes récentes, presque simultanées par la date, concordantes par les résultats, de M. Rees en Allemagne, de M. Van Tieghem en France, ont découvert le secret de cette fécondation si longtemps et si vainement poursuivie.

Il est tout un groupe d’agarics qui poussent sur le fumier, sur l’humus ou au pied des arbres, et dont la substance fragile se décompose rapidement en eau noire comme de l’encre : les botanistes les appellent des coprins. Appliquant aux grosses spores d’une espèce de ce genre (l’agaricus ephemeroïdes) la méthode ingénieuse des germinations en petites cases cellulaires formées sur le porte-objet d’un microscope, M. Van Tieghem a pu suivre pas à pas l’évolution de ces spores isolées ; il a découvert ainsi les merveilleux phénomènes qui se cachent d’ordinaire sous le sol dans les conditions naturelles ou les champignons se développent. Une spore, placée entre deux verres, dans de l’eau de crottin de cheval, a produit un mycélium filamenteux rappelant une moisissure ; puis ont apparu sur ces filamens rampans des rameaux courts et dressés portant des houppes de petites cellules linéaires, espèces de bâtonnets dont le rôle comme organes mâles va se déceler et leur valoir le nom de pollinides. Une autre spore, évoluant parallèlement à la première, a donné sur son mycélium de grosses cellules (carpogones), sortes d’ampoules terminées par une papille comme mucilagineuse, véritable point d’imprégnation répondant par son rôle physiologique à ce que MM. Thuret et Bornet ont nommé trichogyne chez les algues-floridées. Tenus isolés, les bâtonnets et les ampoules se détruisent et restent stériles : rapprochés dans une même case, les bâtonnets se fixent sur les ampoules, isolément ou en petit nombre. Celui qui s’implante sur une papille d’imprégnation verse son contenu liquide dans l’ampoule, qui dès ce moment se divise par des cloisons en trois cellules superposées poussant de leur base extérieure des rameaux arqués, enchevêtrés, bientôt condensés en un petit tubercule blanc dont le développement ultérieur donne la partie aérienne du champignon : celle-ci, reproduisant sur ses lamelles les spores agames, va recommencer le cycle de cette singulière évolution.

Sans pousser plus loin l’exposé de ces curieux phénomènes, ni surtout l’assimilation avec les faits analogues que présentent d’autres cryptogames, nous pouvons en résumer en quelques lignes la signification générale. Il n’est plus absolument vrai de dire, comme on l’a fait jusqu’à présent, que le mycélium d’un champignon est un appareil purement végétatif, que la partie apparente du champignon (chapeau, lamelles, pied d’agaric) en est l’appareil fructifère : la vérité, c’est que ce dernier appareil ne répond qu’à la phase agame,