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« La culture de la truffe, a dit aussi M. Bedel, consiste en un peuplement de chênes, par des glands truffiers, dans certaines conditions d’espacement, de sol et de climat. » Retranchons l’idée plus que contestable des glands truffiers, et ce résumé du côté pratique de la question pourra sembler l’expression de faits d’ensemble, tout en laissant dans le vague les points les plus essentiels du problème biologique de l’évolution de la truffe.

Pour ceux qui nient tout rapport direct et nécessaire entre la truffe et les essences dites truffières, la présence des racines de ces essences dans l’espace occupé par la truffière ne serait pas indispensable : M. Henri Bonnet me parle de truffes trouvées à 26 et jusqu’à 50 mètres d’arbres quelconques. « J’en ai mesuré, ajoute-t-il, devant témoins à la première distance : Constantin et d’autres trufficulteurs m’ont affirmé avoir trouvé des truffes à la deuxième, et l’on m’a montré la place où vivait cette truffière, aujourd’hui remplacée par une vigne. » Toute ma déférence pour le savoir et l’expérience de M. Bonnet ne peut me faire accepter sans réserve la validité de ces argumens comme preuve de l’indépendance absolue des truffes par rapport aux arbres dits truffiers. Dans ces cas de truffières éloignées des arbres, est-on bien sûr que des racines d’églantiers, de ronces, de genévriers, ne tenaient pas la place des chênes ? A l’appui de ses idées à cet égard, M. Bonnet, après le docteur Michel, cite le célèbre Léon Dufour parlant « d’une grosse truffe blanche, fort insipide, qui croît dans le sable des Landes, à 1 kilomètre de toute espèce d’arbres ; » mais l’argument tourne justement contre son but, car il est facile de reconnaître dans cette truffe le terfez, c’est-à-dire la truffe des sables, compagne habituelle des cistes et non des chênes.

C’est pour ne pas contredire sans preuves évidentes et décisives les idées courantes sur la connexion au moins indirecte entre la truffe et les essences dites truffières que j’oppose aux idées contraires non pas une dénégation positive, mais des scrupules que je demande à voir dissipés par des argumens sans réplique. Au fond, ma pensée sur ce point se rencontre avec celle de M. Bonnet ; pas plus que lui, je ne m’arrête à la théorie des excrétions des racines invoquées pour la nutrition de la truffe : le fait même de ces excrétions est encore très controversé dans la science, leur rôle en tout cas serait des plus problématiques ; les radicelles des arbres peuvent agir sur la truffe autrement que comme nourrices, leur pourriture graduelle enrichit le sol d’un terreau particulier ; comme organes de succion, elles modifient l’état hygrométrique du sol ; l’extension rayonnante des truffières dans un périmètre de plus en plus large à mesure que l’arbre grandit pourrait tenir autant à