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Jackson. Les corvettes devaient ralentir leur marche pendant ce combat pour attirer le feu de l’adversaire, tandis que les navires d’un plus faible échantillon, sortant le plus promptement possible de l’espace dangereux, attaqueraient la flottille ennemie.

La nuit était sombre : les marins confédérés, toujours négligens malgré les avis de Duncan, n’avaient ni bateaux en sentinelle pour surveiller le fleuve, ni feux sur l’eau pour diriger le tir des batteries de terre. Cependant les défenseurs du fort Jackson ne tardèrent pas à découvrir les navires fédéraux, qui, naviguant avec difficulté dans un chenal qu’ils ne connaissaient pas et contre un courant violent, n’avançaient que fort lentement et faisaient à peine 4 milles à l’heure. Au feu de Jackson se joint bientôt celui de Saint-Philippe, qui enfile le fleuve et la flotte fédérale, sans obtenir d’elle un seul coup en retour. Les mortiers s’étaient chargés de répondre pour elle et tiraient sans relâche, tandis que les canonnières attachées à leur service et le bateau à voiles le Portsmouth étaient remontés jusqu’à bonne portée du fort Jackson, et le couvraient d’obus.

Farragut et Bailey trouvent chacun leur passage au milieu des coques qui devaient les arrêter : les feux tardivement allumés par les confédérés pour éclairer le combat leur servent de guides ; les deux colonnes les suivent et déchargent aussitôt leur artillerie contre les deux forts. Le fleuve est bientôt couvert d’un épais manteau de fumée, qui augmente encore l’obscurité de la nuit et la difficulté des manœuvres. Les dernières canonnières des deux colonnes perdent de vue celles qui les précèdent ; le Kennebeck à droite, le Winona à gauche, donnent dans les chaînes tendues entre les coques des bricks. Le premier coule une des coques, mais perd un temps précieux à se dégager. En même temps, l’Itasca, qui précédait le Winona, reçoit un boulet qui crève sa chaudière et le désempare : les deux navires s’abordent. L’Itasca est emporté par le courant, le Winona isolé, après avoir cherché en vain sa route, est obligé de redescendre le fleuve, avec le Kennebeck, sous le feu concentré de toute l’artillerie ennemie. Le reste de la flotte, sur ces entrefaites, a dépassé le fort Jackson en répondant de son mieux aux salves des batteries confédérées. Criblés par les projectiles de Porter, épuisés par six jours de bombardement, servant des canons presque tous en mauvais état, dans des casemates ruinées, les soldats du brave Higgins n’avaient pas les moyens d’arrêter les navires fédéraux, qui leur échappèrent avec des avaries insignifiantes. Au milieu de l’obscurité, un hasard heureux aurait seul pu leur faire couler l’un de ces navires au passage.

Le fort Saint-Philippe, que le bombardement n’avait guère