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se retrouve à l’état erratique depuis Genève jusqu’à Bâle, on peut affirmer que ce glacier couvrait toute cette lisière de la plaine suisse qui borde le pied du Jura. Le glacier de l’Arve, plus petit, intercalé comme un coin entre ceux du Rhône et de l’Isère, se signale immédiatement aux yeux de l’observateur par ses gros blocs de protogine du Mont-Blanc. Il en est ainsi de tous les autres anciens glaciers ; l’analyse minéralogique de leurs blocs erratiques permet de les distinguer entre eux et de remonter de leur gisement actuel à leur gisement originaire. M. Alphonse Favre, centralisant les études partielles des géologues suisses, prépare une carte générale qui nous représentera la surface de l’Helvétie telle qu’elle était à l’époque glaciaire. Celle de MM. Chantre et Faisan nous montrera l’épanouissement terminal de ces glaciers associés avec ceux du Jura dans les montagnes du Bugey et les plaines bressanes.

Tous les voyageurs qui ont fait, même en chemin de fer, le trajet de Milan à Vérone, ont pu remarquer une succession de collines qui semblent former les derniers échelons de la chaîne des Alpes expirant dans les plaines de la Lombardie. Semblables à des barrages successifs alignés le long des lacs Majeur, de Varese, de Côme, d’Iseo et de Garde, ces collines, séparées par des vallées à fond plat, des petits lacs, des marais et des tourbières, sont les moraines terminales des grands glaciers qui descendaient jadis du versant méridional de la chaîne comprise entre le Mont-Rose et le Saint-Gothard. Redoutes naturelles, elles ont été le théâtre des batailles de Castiglione, Lonato, San-Martino et Solferino. L’aspect général de ce pays est celui que M. Desor[1] a désigné sous le nom de paysage morainique, conservant les mêmes traits dans la Brianza milanaise entre Côme et Lecco, — près de Thun en Suisse du côté de Stockhorn ; au nord de Lindau, sur les bords du lac de Constance, — aux environs de Salzbourg en Tyrol, et au pied des Pyrénées autour du lac de Lourdes. MM. Zollikofer, Omboni et de Mortillet avaient déjà donné une esquisse de ces anciennes moraines, dont les géologues italiens nous doivent la monographie détaillée. Une découverte récente vient ajouter à l’intérêt qu’elles ont toujours éveillé. Transportons-nous à l’extrémité méridionale de la branche occidentale du lac de Côme à la station de Camerlata, tête de la ligne de Côme à Milan. Une série de collines presque parallèles entre elles s’étendent de l’est à l’ouest. Sur une de ces collines, le docteur Casella de Côme et le marquis Rosalès Sigalini, amateur de géologie, habitant le château d’un village voisin appelé Bernate, découvrirent, au milieu d’excavations creusées pour extraire du sable, un gisement de coquilles

  1. Die Moränen Landschaft, 1874.