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afin de concentrer le courant dans le bras principal, et d’endiguer celui-ci afin d’y accroître la vitesse de l’eau. C’est, on le voit, la solution admise plus tard sur les fleuves qui débouchent dans une mer à marée, sur la Seine, sur la Loire, sur la Gironde. Ces travaux s’exécutèrent ; ils n’eurent d’autre résultat que de déplacer la barre, qui s’avançait peu à peu vers la mer à mesure que les digues se prolongeaient, en se maintenant toujours à la même profondeur ou à peu près. Tout au plus le mouillage augmentait-il après les grandes crues, qui opéraient une sorte de chasse dans ces bancs mobiles. Enfin, le remède étant décidément inefficace, on résolut d’ouvrir un canal latéral entre la tour Saint-Louis, à 8 kilomètres au-dessus de la barre, et la rade de Fos. Ce canal, dont la longueur n’est que de 4 kilomètres, aboutit dans un golfe tranquille où les atterrissemens ne sont pas à redouter. Destiné à recevoir des navires de gros tonnage, il a d’ailleurs des dimensions tout autres que nos canaux intérieurs. Ajoutons seulement que cette entreprise, peu considérable en elle-même, s’est vue ralentie par l’insalubrité du pays. Au milieu des marais infects et des terres incultes de la Camargue, les ouvriers étaient victimes des fièvres paludéennes, ce qui prouve une fois de plus que les ingénieurs ont souvent à tenir compte dans leurs projets de difficultés fort étrangères à leurs préoccupations habituelles. Le canal Saint-Louis méritait d’être cité dans cette étude, non-seulement parce qu’il ouvre à peu de frais le Rhône maritime à la grande navigation, mais surtout parce que c’est une solution particulière du problème très complexe de l’amélioration des embouchures, solution qui n’est pas nouvelle au surplus : les anciens l’avaient appliquée à Alexandrie, ville fondée en dehors du delta et reliée au Nil par un canal. De même à l’embouchure du Tibre, le port d’Ostie étant envahi par les sables, l’empereur Claude en avait creusé un autre qu’une dérivation faisait communiquer avec le fleuve ; mais ce nouveau port et sa dérivation s’ensablèrent aussi par la suite des siècles. Enfin, à l’embouchure même du Rhône, cent trois ans avant Jésus-Christ, Marius avait fait creuser par ses soldats un canal allant d’Arles au golfe de Fos ; peut-être fut-ce la cause déterminante de la grande prospérité de cette ville, qui devint ainsi et resta jusqu’au XIIe siècle le principal port des côtes de Provence. A son tour, le canal de Marius fut comblé par les dépôts du fleuve, soit peu à peu, soit tout d’une fois par quelque grande crue. Vauban d’abord et Bélidor ensuite, deux grandes autorités en matière de travaux publics, avaient déclaré que les embouchures du Rhône étaient incorrigibles et conseillé de rouvrir le canal de Marius. En 1802 en effet, le gouvernement commença le canal d’Arles à Bouc, dont les événemens interrompirent