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FLAMARANDE

TROISIÈME PARTIE[1].

XXXVIII.

Je me rendis donc à Flamarande, impatient de revoir mon petit Espérance et de me reposer des émotions qui m’avaient bouleversé. La plus terrible avait été certainement de me trouver aux prises avec les questions et les prières de Mme de Flamarande. Cette tendre mère, dont j’avais causé le désespoir et qui, au lieu de me maudire, me pressait les mains et m’appelait son ami, était toujours devant moi. En vain, durant près de quatre années, j’avais évité d’être sous ses yeux ; en vain j’avais arrangé mes occupations avec un art infini pour qu’elle n’eût pas l’occasion de remarquer mon existence : le moment était venu où il avait fallu être quelque chose dans sa vie et devenir quelqu’un pour elle. Durant quatre années, sa première question s’était présentée à moi comme une terreur, maintenant le souvenir de cette scène me devenait un supplice. J’en rêvais toutes les nuits, je sentais mon cœur se briser avec celui que j’avais si cruellement déchiré. Il me venait des inquiétudes affreuses. Peut-être était-elle gravement malade, peut-être devenait-elle folle ; peut-être Roger, abandonné aux autres domestiques, avait-il besoin de moi. Pourquoi leur avais-je lâchement retiré le concours de mon dévoûment ?

J’étais dans la plus noire disposition d’esprit en faisant usage de ma liberté. La vue d’Espérance me ranima. Il avait grandi beaucoup, et sa beauté attirait tous les regards. J’avais voulu surprendre mon

  1. Voyez la Revue du 1er et du 15 février.