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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/915

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débordante correspondance, qui va de Downing-Street dans tous les coins du monde. Le peuple américain associera toujours le nom de lord Russell aux souvenirs douloureux de la guerre de sécession. Il avait compté sur les sympathies, sinon de toute l’Angleterre, au moins du parti libéral, qui avait prodigué les encouragemens aux abolitionistes. Il ne trouva, au moment du danger, que de la froideur orgueilleuse, des conseils méprisans, ou même une joie mal dissimulée. M. Lincoln prit la présidence le 4 mars 1861, et son gouvernement demanda à lord Russell de ne rien faire qui fût de nature à encourager les rebelles. Lord Russell répondit que l’arrivée de M. Adams, attendu à Londres, fournissait une occasion naturelle et appropriée de, discuter les questions que soulevait la rébellion. Le 1er mai, lord Russell informa M. Dallas, qui était encore à Londres, que le gouvernement anglais avait lié son action à celle de la France en ce qui concernait les États-Unis. Le même jour, il écrivait aux lords de l’amirauté de donner des ordres « pour que rien ne soit fait, par les forces navales de sa majesté, qui indique une préférence pour l’un des deux partis dans la lutte qui allait s’ouvrir. » Sur la simple nouvelle apportée par les journaux que M. Lincoln avait déclaré les ports du sud en état de blocus, lord Russell résolut d’accorder aux rebelles les droits de la belligérance. Il écrivait le 6 mai à lord Lyons, et appelait les États-Unis « la portion septentrionale de la défunte Union (the late Union). » M. Adams apprit en débarquant à Liverpool que le gouvernement avait le même jour lancé une proclamation de neutralité (13 mai). « Quand nous connûmes la capture des deux commissaires confédérés à bord du Trent, écrit lord Russell, lord Palmerston me demanda confidentiellement ce que nous aurions à faire. Je lui répondis brièvement en citant ce que dit Grattan au sujet d’une autre puissance : « le gouvernement américain est un gouvernement devant lequel il est très dangereux de se sauver. » La guerre ne sortit pas heureusement de cet incident, car M. Lincoln eut la sagesse de rendre les deux commissaires. Lord Russell raconte que lorsque l’un d’eux, M. Mason, vint en Angleterre, il le reçut dans sa propre maison. M. Mason lui avoua que sa mission était de demander la reconnaissance de la république confédérée. « Je lui répondis que si les opérations des états du sud avaient été couronnées d’un plein succès, si leurs victoires avaient été brillantes et décisives, on aurait très bien pu demander la reconnaissance au gouvernement britannique ; mais rien de tout cela n’était arrivé. »

Dans un discours public à Newcastle, voici comment lord Russell s’exprimait sur la lutte engagée en Amérique (14 octobre 1861) : « Nous voyons deux partis en lutte, non sur la question de l’esclavage, bien que l’esclavage soit la cause de la querelle, non à propos