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l’assistance du roi de Sardaigne pour le débarrasser (to relieve) de gouvernemens dont il est mécontent, et le roi de Sardaigne est-il justifié à donner l’assistance de ses armes aux états romain et napolitain ? » À ces deux questions, lord John répond par l’affirmative, il condamne les deux gouvernemens romain et napolitain comme « si mal munis pour l’administration de la justice, la protection de la liberté personnelle et le bien-être du peuple, que leurs sujets regardent le renversement de leurs gouvernans comme une condition préliminaire de tout progrès. » D’autre part, la conviction s’est formée en Italie que ce pays ne peut se préserver du joug étranger qu’en formant un seul gouvernement pour toute l’Italie.

Quelque opinion qu’on puisse avoir sur les événemens qui ont précipité l’unité italienne, on reconnaîtra, je pense, que jamais un ministre des affaires étrangères ne tint un langage plus révolutionnaire. N’y avait-il dans ce langage qu’une sorte de candeur inspirée par un zèle enthousiaste ? Il y avait autre chose. La France avait commencé l’œuvre de la libération italienne. La France avait obtenu la Savoie ; la France pouvait encore beaucoup pour le nouveau royaume inachevé, menacé, incertain de l’avenir. « Sans dépenser un homme ni un shilling, » suivant le mot de lord Palmerston, l’Angleterre voulait cependant obtenir une part de la reconnaissance italienne. Elle montra à M. de Cavour tous les duchés, tous les royaumes de la péninsule : « Tout cela est à toi. » Il n’y avait là rien que de très naturel, de très humain ; mais l’opinion publique exprimait ce sentiment avec assez de violence, par la presse, dans les chambres, pour qu’il ne fût pas nécessaire qu’un ministre des affaires étrangères prît lui-même le costume du tentateur et transportât M. de Cavour sur la montagne.

La dépêche à sir J. Hudson, qui invitait le roi de Sardaigne à faire le plus d’annexions possible, mérite d’être mise en regard d’un discours prononcé par lord John Russell devant la chambre des communes ; en commentant l’annexion récente de la Savoie, il disait : « Malgré notre vif désir de vivre dans les meilleurs termes avec le gouvernement français, je pense que nous ne devons pas nous séparer des autres nations de l’Europe. S’il faut aujourd’hui redouter telle annexion, demain entendre parler de telle autre, et vivre ainsi dans des craintes perpétuelles de bouleversement, les puissances de l’Europe, si elles veulent maintenir la paix, doivent respecter leurs droits réciproques ; elles doivent respecter les frontières de leurs voisins. » (26 mars 1860.)

L’amitié de lord Russell porta bonheur à l’Italie ; une statue de la jeune Italie, offerte par des habitans de Milan, orne sa bibliothèque ; on n’y voit point de statue de la Pologne, ni du Danemark. Sa