Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

témoins, d’une époque ancienne, comme les ruines des palais égyptiens attestent une civilisation enfouie sous les décombres du passé.

L’hypothèse des centres de création modernes est donc en contradiction directe avec les faits. On nous répondra peut-être qu’il faudrait admettre des centres de création antérieurs à l’époque actuelle ; mais il est visible que les mêmes objections se reproduiraient en remontant d’âge en âge. Il est clair que la flore des travertins de Sézanne par exemple, tout ancienne qu’elle est, ne présente point les caractères d’un centre de création. Mais, nous dira-t-on encore, si vous ne reconnaissez point de centres de création, comment comprenez-vous l’apparition incontestable de formes nouvelles qui a marqué le début et les phases de chaque grande époque ? Nous répondrons que, si les progrès de la science nous forcent aujourd’hui à répudier comme fausse la conception des centres de création, ils nous engagent à lui substituer celle des époques de création. L’importance et l’étendue des époques de création résultent de tout ce qui précède. Pour en faire apprécier le caractère, il suffira d’insister sur deux d’entre elles, l’époque éocène, dont nous avons déjà cité quelques types, et l’époque glaciaire, antérieure immédiatement à la nôtre.

Vers la fin de Péocène, il existait sur les pourtours d’une large mer une région végétale des mieux caractérisées. Cette mer partait des contre-forts des Alpes-Maritimes, et, sauf une île allongée correspondant à l’Italie centrale, s’étendait sans obstacle vers la Libye et l’Égypte, qu’elle recouvrait en grande partie, entrant ainsi en communication directe avec l’Océan indien, et la première terre qu’elle rencontrait dans cette direction était l’Abyssinie, qui avec le Haut-Soudan formait alors une région continentale à laquelle les grès de Nubie, récemment émergés, servaient de ceinture. Il en résultait une méditerranée du double plus large que la nôtre, dont le climat, sensiblement égal sur ses deux rives à cette époque de l’histoire de la terre, facilitait, sur la rive septentrionale, la présence des types de l’Abyssinie ou du Cap que l’on remarque dans la flore fossile des gypses d’Aix, notamment des bananiers et le curieux genre widdringtonia, aujourd’hui confiné dans un étroit espace comprenant le Cap, la terre de Natal et l’île de Madagascar, dont les rives étaient baignées par la mer éocène. Cette même mer bordait aussi la partie septentrionale de l’Hindoustan, car les dépôts qu’elle a laissés peuvent être suivis sur une immense étendue, de la Syrie et de Bagdad au Golfe-Persique et jusqu’au-delà de l’embouchure de l’Indus, dans la vallée de Kashmir et dans le Bengale oriental. Aussi la flore des gypses d’Aix présente-t-elle des affinités avec celle de l’Inde par des types qui se rencontrent également