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apparence de nos bons caloyers aux fortes générations des Antoine, des Pacôme, des Macaire, des Hilarion ; le génie brûlant du début, la différence des agens historiques, ne permettent pas d’épuiser des analogies spécieuses, et néanmoins l’Orient ne serait plus l’Orient, le gardien opiniâtre de tempéramens, de mœurs et de pensées héréditaires, si bien des lacunes n’étaient pas comblées, bien des problèmes résolus dans cette étude par la connaissance préalable du petit monde athonite.

Avant de le quitter, ce monde où tout nous parle du passé, encore faudrait-il lui demander le secret de son avenir. Après ce que nous avons dit, il semble facile de prédire ce dernier : une dissolution lente, très lente sans doute, car elle doit triompher du double brevet de longévité que donnent à leurs institutions l’esprit religieux et l’esprit oriental, mais assurée. — Cet arrêt de mort serait sans appel, s’il ne fallait tenir compte d’un élément nouveau que nous avons négligé à dessein, tant il se dérobe aux observations que nous a suggérées l’ensemble de la communauté : nous voulons parler de l’élément slave et surtout du groupe russe très homogène de sept à huit cents moines qui occupe le grand couvent de Saint-Pantéleimon et les deux skytes de Saint-André et du prophète Élie. Il ne s’agit plus ici de sénilité et d’affaissement, nous avons affaire à une race vierge et neuve qui nous reporte, elle aussi, en plein moyen âge, mais au moyen âge barbare et occidental. C’est bien une foi ardente qui a amené ces néophytes de leurs steppes, la règle est observée chez eux dans toute sa sévérité, certains travaux y sont en honneur. Ces moines russes forment une phalange compacte, soumise, animée d’un patriotisme jaloux ; cet instrument docile est dans la main de quelques supérieurs doués de rares qualités de commandement et d’administration. Ils sont aidés dans leur développement par toutes les facilités matérielles. Nous avons déjà dit avec quelle générosité sagace la Russie soutient ses œuvres religieuses en Palestine, de quel faste et de quel prestige elle les entoure ; cette préoccupation est encore plus sensible à l’Athos. Grâce aux abondantes aumônes de la mère-patrie, les maisons moscovites voient leur aisance s’accroître dans la proportion où les maisons grecques s’appauvrissent ; elles achètent la terre, augmentent leurs métochies, font sortir du sol de vastes constructions, de fières églises, somptueusement ornées. A défaut d’une école de peinture constituée, elles reçoivent de Russie les produits de cet art religieux dont nous avons signalé l’originalité et le mérite, elles ont du moins des ateliers d’imprimerie, de gravure, de photographie, qui répandent leurs idées sous toutes les formes dans la montagne sainte.

Nous avons à peine besoin d’insister sur les conséquences qui