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viande ainsi travaillée donne en extrait 2 1/2 pour 100 de son poids net sans os ; elle pourrait aisément en fournir 10 pour 100, s’il ne fallait éviter la dissolution de la gélatine contenue dans les tissus animaux, ce qui empêche d’épuiser la viande ; la présence de la gélatine en quantité notable dans l’extrait le ferait moisir et lui donnerait un goût désagréable. 30 ou 40 kilogrammes de viande en produiront 1 d’extrait, ce qui veut bien dire que ce kilogramme d’extrait contient les parties solides de 40 kilogrammes de viande, mais non pas qu’on y retrouve les élémens nutritifs de cette quantité de matière. Il reste donc de grands progrès à faire, dont le moindre ne sera pas de fixer l’azote que contient la viande, en même temps que d’utiliser la gélatine et l’albumine, ce qui donnerait à l’extrait des qualités nutritives plus sérieuses en même temps qu’un goût plus agréable. La chose est possible : un produit de ce genre a même été fabriqué, il y a quelques années, par un chimiste français, M. A. Biraben, qui dirigeait le saladero du célèbre baron brésilien Mana ; mais cet établissement, malgré la grande fortune de son propriétaire, a cessé, il y a plusieurs années, sa fabrication.

L’extractum carnis, tel que l’a formulé Liebig, reste donc seul dans le commerce avec toutes ses imperfections ; néanmoins l’usine créée pour l’exploitation du procédé, tout imparfait qu’il soit, est loin de pouvoir suffire aux demandes de l’Europe. Les abatages de ce saladero sont limités à mille têtes par jour ; encore n’est-ce pas un mince problème à résoudre dans ce pays, où les troupeaux semblent inépuisables, que d’arriver à abattre chaque jour de l’année dans un lieu déterminé cette quantité d’animaux. En effet, dans ces prairies naturelles, le bétail subit tous les contre-temps des saisons ; il est gras ou maigre suivant que le ciel en dispose, il faut donc prendre à l’avance des mesures pour obtenir dans les départemens environnans des quantités suffisantes d’animaux sains et emmagasiner cette matière première dans des prairies spéciales où il faudra veiller à ce qu’ils ne perdent pas leur graisse ; les neuf lieues appartenant à la compagnie, enfermées dans une enceinte de fil de fer qui représente à elle seule une dépense de 500,000 francs, n’ont pas d’autre destination. L’usine Liebig diffère en cela des saladeros, qui ne peuvent travailler que trois ou quatre mois de l’année, à l’époque où les animaux sont gras, qui achètent et abattent immédiatement sans faire provision de bétail sur pied. Une autre éventualité menace la prospérité de l’usine Liebig, c’est l’épuisement des troupeaux dans un rayon assez rapproché pour être exploitable, car depuis douze ans que l’usine existe, elle n’a cessé de puiser dans les. troupeaux du voisinage et d’y choisir la fleur des animaux. Si l’on calcule que le rayon extrême où elle puisse s’approvisionner