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de Rourik, dans la situation créée par les faits immenses de Sadowa et de Sedan. Ils montraient l’humiliant traité de 1856 déchiré, l’Autriche punie de sa « trahison » lors de la guerre de Crimée, la France déchue et amoindrie, l’Angleterre spectatrice résignée des progrès du général Kaufman à Bokhara, et la Russie recouvrant son prestige d’autrefois, savourant en toute quiétude la vengeance, ce plaisir des dieux et des grands favoris des dieux. comme Alexandre Mikhaïlovitch. N’y a-t-il pas en effet, disait-on, une fortune merveilleuse, une unité imposante dans la carrière de ce ministre, qui, dès les conférences de Vienne, s’était juré de prendre la revanche de l’abaissement de sa patrie et qui a su si bien tenir son serment ? N’y a-t-il pas comme une Némésis grandiose dans le châtiment successif de ces « alliés » superbes qui, en 1853, avaient pris la défense du croissant contre la croix de Saint-André, qui, dix ans plus tard, avaient osé soulever la question de Pologne ? A l’heure qu’il est, l’Autriche et la France rivalisent de procédés flatteurs, obséquieux, auprès du « barbare du nord » tant décrié, l’Angleterre sollicite de lui un modus vivendi dans l’Asie centrale, et cette position enviable et glorieuse, la Russie l’a obtenue sans combat, sans sacrifices, rien qu’en se recueillant, en développant sa prospérité intérieure et en laissant seulement faire le voisin, un ami séculaire, éprouvé, et dont le dévoûment ne s’est jamais démenti. Il n’est que juste que la Prusse ait récolté les fruits de sa valeur et de sa fidélité, et les sentimens bien connus de l’empereur Guillaume envers le tsar, les liens de famille qui unissent depuis si. longtemps les deux cours, enfin les destinées si distinctes en même temps que si conformes des deux états sont les gages certains d’une entente future, permanente et inébranlable, La Prusse n’a pas d’intérêt propre dans la question orientale, que de fois n’en a-t-elle fait la déclaration solennelle ! Le jour où s’ouvrira la succession de l’Osmanli ; le Hohenzollern saura prouver sa reconnaissance envers le Romanof. Les petites jalousies et les petites rivalités ont fait leur temps comme les petits états et les petits artifices d’influence et de balance des forces : l’avenir est à une politique rationnelle basée sur la nature des choses, la réalité de la géographie, l’homogénéité des races, et cette politique assigne à la Russie et à l’Allemagne leurs rôles respectifs et corollaires. Au point de vue des principes généraux, on ne peut que se féliciter que le sceptre de l’Occident ait échappé à une nation turbulente, volcanique, faisant de la propagande tantôt jacobine, tantôt ultramontaine, mais toujours révolutionnaire, pour passer aux mains d’un état bien ordonné, hiérarchique et discipliné s’il en fut. Enfin, et dernière considération, Sadowa et Sedan ont été des victoires protestantes sur les deux premières puissances