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LES SOUVENIRS
DU
MEDECIN DE LA REINE VICTORIA

PREMIERE PARTIE

LA PRINCESSE CHARLOTTE.

Il y a une douzaine d’années, dans une de ces petites principautés allemandes qui ne sont plus désormais que de vains titres, s’éteignait un vieillard dont la vie active et modeste, associée discrètement à des existences royales, avait eu sa part d’influence en des événemens considérables. Peu de temps avant sa mort, un de ses contemporains lui écrivait : « Vous avez eu une destinée souveraine anonyme. » Ces paroles extraordinaires furent confirmées bientôt par un fait très significatif. Quand le vieillard quitta ce monde, la reine d’Angleterre, le roi des Belges, le prince royal de Prusse, s’unirent pour lui élever un monument funéraire. Quel était cet homme à qui de si hauts personnages consacraient un tel tribut d’affection et de respect ? Un simple médecin de la ville de Cobourg devenu le serviteur, le conseiller, l’ami du prince Léopold, attiré par ce prince en Angleterre d’abord, ensuite en Belgique, mêlé à toutes ses affaires publiques ou privées, enfin donné par lui comme un confident sûr et un guide éprouvé à son neveu le prince Albert, à sa nièce la reine Victoria. Il s’appelait en naissant Christian-Frédéric Stockmar ; le sévère monument qui recouvre sa dépouille dans le cimetière de sa ville natale porte cette inscription : « à la