Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/589

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pense sur ce point, il le répète avec force : le devoir, le devoir impérieux de l’avocat est de dire tout ce qui peut sauver son client. Aucune considération extérieure ne le doit retenir. Dussent ses paroles être accablantes pour un autre, dussent-elles le faire frissonner d’épouvante, le torturer, le supplicier, le détruire, il est tenu en conscience d’aller jusqu’au bout ; Bien plus, si ses devoirs de patriote ne sont pas d’accord avec ses devoirs d’avocat, il les jettera au vent, alors même qu’il devrait précipiter son pays dans la confusion. Voilà les devoirs de l’avocat ; heureusement, dans l’affaire dont il s’agit, l’intérêt de la défense ne le réduit pas à ces extrémités. S’il employait de tels moyens, on croirait qu’il cherche à excuser les crimes de sa cliente ; or il ne plaide pas excusable, il plaide non coupable. L’accusation a dit que la défense elle-même avait été obligée de reconnaître plusieurs des faits criminels imputés à la reine ; c’est faux, c’est effrontément et scandaleusement faux. La défense n’admet rien, ne concède rien, la défense prouvera que toutes ces imputations sont calomnieuses.

Épargner ainsi George IV, c’était lui imprimer une flétrissure publique. Quant à la reine, s’il y avait de la fierté à se priver ainsi d’une partie de ses armes, cette fierté n’était-elle pas bien téméraire ? Brougham avait-il raison de soutenir si résolument qu’il n’avait rien à concéder ? Il sent qu’il va trop loin, et tout à coup, reprenant ses dernières paroles, il concède les fautes de tenue dont on ne saurait absoudre sa cliente, mais il les concède de façon que les lords eux-mêmes en partagent la responsabilité. Oui sans doute, la reine a eu tort de quitter l’Angleterre, d’aller s’établir en Italie, de s’y faire une société au-dessous de son rang, mais ce n’est pas aux lords de le lui reprocher.


« Que d’autres l’accusent d’avoir déserté son pays, que d’autres forgent des histoires sur les conséquences de son séjour parmi les Italiens, qu’ils regrettent de ne pas l’avoir vue demeurer dans la compagnie des nobles dames de sa patrie d’adoption, ce ne sont pas vos seigneuries qui ont le droit de tenir ce langage. Ce n’est pas vous, mylords, qui pouvez jeter cette pierre à sa majesté. Vous êtes les dernières personnes du monde, — oui, vous qui aujourd’hui prenez la liberté de la juger, vous êtes les dernières personnes du monde à qui il appartienne de proférer cette accusation, car vous êtes les témoins qu’elle est obligée d’invoquer pour s’en défendre. Vous êtes les dernières personnes du monde qui puissent l’accuser, car vous n’êtes pas seulement les témoins de son innocence, vous êtes les instigateurs de la seule faute que nous ayons à reconnaître dans sa conduite. Pendant qu’elle habitait l’Angleterre, elle ouvrait gracieusement les portes de son palais aux familles de vos seigneuries. Gracieusement elle daignait mêler sa