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dans l’eau de 48°,8 à 51°,6, des feuilles ont replié tous leurs tentacules. Chauffée à 54°, l’eau paralyse ces mêmes feuilles en les mettant dans cet état d’inertie que Sachs appelle rigidité par la chaleur et qui se produit chez la sensitive quand on expose cette plante à l’air humide, chauffé à 45 ou 50 degrés. L’influence du courant galvanique sur les tentacules du drosera n’a pas été étudiée en grand détail. Darwin nous promet là-dessus un travail de son fils Francis, dont il cite comme avant-goût une curieuse observation. Deux aiguilles plantées simplement dans la feuille d’un drosera n’en ont pas fait mouvoir les tentacules, mais l’inflexion de ces organes s’est faite dès que deux aiguilles pareillement insérées ont été mises en rapport avec le circuit secondaire d’un appareil d’induction. On verra tout à l’heure le rapport de cette curieuse expérience avec celle que le docteur Burdon Sanderson avait faite auparavant sur la feuille de la dionée.

Passons maintenant aux effets de certains liquides organiques naturels ou d’infusions ou de décoctions de matières végétales. Ces expériences ont été faites en déposant sur la feuille des gouttelettes de ces liquides d’un poids moyen d’un tiers de milligramme. Suivant qu’ils contiennent ou non de l’azote, on a pu les distribuer en deux groupes : d’une part les non-azotés, solutions de gomme arabique, de sucre, d’empois, etc.; d’autre part les azotés, lait, urine, albumine de l’œuf, infusion froide et filtrée de viande crue, décoction de pois verts, etc. Nuances à part, un fait saillant et curieux se dégage de ces essais : c’est que les substances non azotées ont été sans action sur les tentacules, que les azotées au contraire ont agi d’une façon très marquée en provoquant l’inflexion des filamens à peu près en proportion de leur richesse en azote. C’est presque sûrement aussi par leur azote que les sels ammoniacaux en dissolution exercent sur le drosera une si puissante influence : le plus actif de tous les sels de ce groupe est le phosphate d’ammoniaque, dont une dose de 3 millionièmes de milligramme a le pouvoir de faire courber un tentacule du bord de la feuille jusque sur le centre du limbe. Ces quantités infinitésimales sont encore fortes auprès des dimensions infimes que doivent avoir les particules solides des effluves que le gibier laisse sur son passage et que l’odorat du chien de chasse saisit pourtant, grâce à l’admirable sensibilité de son organe olfactif. Pour tout ce qui touche aux impressions, la ténuité même des particules, loin d’être un obstacle, est au contraire une circonstance favorable aux effets produits. On est là dans un domaine à part où le microscope lui-même n’a plus d’accès, et qui, soumis sans doute aux lois générales de la mécanique, échappe à toute autre évaluation numérique que celle du calcul abstrait. Le fait le plus remarquable dans cette puissance d’excitation du