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lernocère et une sacculine ; mais la consanguinité de ces animaux nous est dévoilée par leur forme embryonnaire appelée Nauplius, qui est à peu de chose près la même pour tous. De là cette conséquence naturelle que le nauplius est le type originaire qui a donné naissance à tous les crustacés. On pourrait répéter cette démonstration pour un ordre quelconque en s’appuyant sur la paléontologie, qui nous prouve constamment que ces types fondamentaux apparaissent toujours les premiers dans le sein des terrains avant les dérivés qui en sont sortis. Ainsi dans les reptiles ce sont des animaux ressemblant aux protées actuels ; dans les batraciens de petits animaux appelés Protriton par M. Gaudry, intermédiaires entre les batraciens munis d’une queue, comme les salamandres, et ceux qui en sont privés comme les grenouilles, issus tous deux d’un type commun, le Protriton.

Ces enseignemens ne sont pas les seuls que nous donne l’embryologie : au lieu d’embrasser un ordre d’animaux tout entier, si nous considérons un animal en particulier et que nous suivions son développement, nous verrons encore la grande loi de l’évolution se manifester de la manière la plus éclatante. Je prends un exemple généralement connu : la grenouille commune. La femelle pond un œuf fécondé ; mais, quand cet œuf éclot, il en sort un être bien différent de sa mère, un têtard, animal aquatique, muni d’une longue nageoire caudale, respirant par des branchies l’air contenu dans l’eau et mourant asphyxié si on le sort de son élément liquide ; c’est un poisson, mais ce poisson n’est qu’un état transitoire de la grenouille. On voit paraître d’abord les pattes de derrière, puis celles de devant. Pendant que ces pattes s’allongent, la queue se raccourcit et finit par disparaître complètement. Ces changemens extérieurs sont accompagnés de modifications intérieures non moins surprenantes. Les vaisseaux qui se rendaient aux branchies s’oblitèrent peu à peu, celles-ci disparaissent insensiblement et sont remplacées par des poumons qui respirent l’air de l’atmosphère ; l’animal purement aquatique est devenu amphibie ; le têtard s’est métamorphosé en grenouille.

Ainsi donc le batracien a d’abord été poisson et est devenu amphibie par suite de changemens qui s’opèrent sous nos yeux ; mais cette métamorphose n’est pas spéciale aux batraciens, elle s’opère chez tous les animaux à l’intérieur de l’œuf ou dans le sein de la mère. Dans le premier mois de leur vie embryonnaire, les mammifères, les oiseaux et les reptiles portent sur le cou des fissures indices des branchies des poissons, mais ces branchies ne se développent pas, l’animal recevant le sang de la mère qui a respiré pour lui ou se nourrissant aux dépens du jaune de l’œuf. Le cœur de l’homme et le système de vaisseaux qui en procède rappellent d’a-