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Russie par des voies inconnues avant lui et de la retrouver en quelque sorte sous le pôle. Dès lors, entre les deux lointains empires d’Angleterre et de Moscovie, les relations ne cessèrent plus ; mais dans les quarante premières années le commerce anglais avec la Russie rencontra des difficultés de toute sorte. Il fallut expédier bien des envoyés de Londres à Moscou et de Moscou à Londres avant d’arriver à un état de choses régulier.

Sur cette période, le livre de M. Iouri Tolstoï, adjoint au procureur général du saint-synode, nous apporte des lumières nouvelles. Hakluyt au XVIe siècle, dans ses Navigations des Anglais, A. Tourguénief en 1842, dans ses Historica Russiœ monumenta, M. Hamel en 1854, dans ses Voyages des Anglais à la Mer-Blanche, M. Bond en 1856, dans sa Russia at the close of the XVIth century, avaient déjà publié un certain nombre de documens se rapportant à la même période ; mais M. Tolstoï, lors de son voyage à Londres en 1858, put se convaincre que ses devanciers n’avaient pas épuisé tous les matériaux du sujet. Dans les collections du State Paper Office, il retrouva une trentaine de documens en langue anglaise, de la vieille écriture du XVIe siècle, pour le déchiffrement desquels il eut à faire un noviciat. Ces papiers comprennent les lettres échangées entre les souverains, les instructions données aux envoyés anglais près de la cour de Moscou, la relation de leurs entretiens avec le tsar. En y joignant une vingtaine de documens conservés au British-Museum, ceux du Musée Ashmole à Oxford, ceux des archives de Moscou, M. Tolstoï a pu donner une collection, plus complète que ses prédécesseurs, des pièces relatives à la période de 1553 à 1593. Sur quatre-vingt-deux documens publiés par lui, trente-sept sont absolument inédits. Ils se rencontrent parfois en plusieurs langues, en slavon-russe, en anglais, en latin, même en un latin fort élégant lorsqu’ils émanent de la chancellerie britannique. Pour ceux de ces documens qui ne se rencontrent qu’en une seule langue, M. Tolstoï en a donné une traduction, en anglais moderne, s’il s’agit d’un vieux texte russe, en russe moderne, s’il s’agit de vieil anglais. L’étude historique fort curieuse qu’il a publiée d’abord dans le Messager d’Europe d’août 1875, et qui sert aujourd’hui d’introduction aux documens originaux, est également rédigée dans les deux langues. Son livre sera donc également utile et commode aux lecteurs d’Occident et de Russie.


I

Willoughby et Chancellor savaient si peu sur quel point inconnu des terres boréales ils étaient appelés à débarquer, que les lettres