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porte un ancien cratère soit à son sommet, soit sur le flanc ; ils sont entièrement formés de scories et accompagnés de longues traînées de roches qui ressemblent à des coulées de lave figées d’hier. Le Puy-de-Dôme, bien que situé dans l’alignement de ces petits volcans, en diffère notablement par sa nature. Cette protubérance de roche trachytique, qui domine de 600 mètres le plateau de granit, apparaît vers le centre de la chaîne des Dômes comme une masse qui aurait été poussée de bas en haut à la manière d’un coin. On n’y trouve pas de cratère ; c’est un cône assez régulier, à troncature légèrement convexe. Le sommet représente une plate-forme accidentée de quelques hectares d’étendue ; au sud se montre le dos de la crête rocheuse qui règne sur tout le flanc méridional, dit M. Faye, « comme une goutte de cire qui aurait coulé le long d’une bougie ; » au nord s’élève un petit mamelon qui semble être de ce côté le prolongement continu du grand dôme. C’est au pied de ce monticule, qui devait l’abriter contre les vents d’ouest, que fut bâtie au XIIe siècle une chapelle dédiée à saint Barnabé, dont quelques vestiges existent encore. Saint Barnabé s’y trouva en mauvaise compagnie. Pendant tout le moyen âge en effet, le Puy-de-Dôme passait pour le rendez-vous général des sorciers de France, qui y tenaient leur sabbat tous les vendredis : c’était le Brocken français. La chapelle fut abandonnée et détruite à cause des profanations qui s’y commettaient pendant les assemblées des sorciers. Les ruines de l’édifice ont disparu depuis près d’un siècle sous l’effort des nombreux visiteurs qui se sont donné le plaisir de précipiter les blocs de pierre et de ciment pour les faire rouler avec fracas sur les flancs de la montagne.

Au XVIIe siècle, le Puy-de-Dôme fut en quelque sorte désensorcelé et réhabilité par une de ces hardies tentatives qui ont inauguré la naissance des sciences d’observation. C’est là que Pascal Fit entreprendre ce qu’il appelait « la grande expérience de l’équilibre des liqueurs, » c’est-à-dire l’expérience qui démontra définitivement la pesanteur de l’air. « Et parce qu’il n’y a, dit-il, que très peu de lieux en France propres à cet effet, et que la ville de Clermont en Auvergne est une des plus commodes, je priai M. Périer, conseiller en la cour des aides d’Auvergne, mon beau-frère, de prendre la peine de l’y faire. » Le 19 septembre 1648, Périer s’étant procuré deux tubes de verre fermés par un bout seulement, remplis de mercure et renversés sur une cuve contenant le même liquide, porta l’un de ces tubes au sommet du puy tandis que l’autre restait dans le jardin des Minimes à Clermont, entre les mains du père Chatin, qui devait « observer de moment en moment pendant toute la journée s’il arrivait du changement. » Au départ, le niveau de la