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chaque jour, comme ces êtres que la géologie nous montre s’éteignant dès qu’ils ne se trouvent plus dans le milieu convenable à leur existence.

On ne saurait non plus méconnaître que la production chevaline a fortement diminué dans une grande partie du midi de la France. La cause paraît surtout devoir en être attribuée aux modifications graduellement introduites dans la production agricole par les incessans progrès du morcellement du sol. De grands domaines capables d’entretenir de nombreux chevaux sur les vastes terrains livrés à la dépaissance, ont été divisés en exploitations moins étendues, qui ne peuvent que difficilement nourrir une poulinière et sa suite de poulains, car dans les conditions où l’élevage s’est jusqu’ici pratiqué dans le midi comme dans le centre, l’éleveur doit garder tous ses produits jusqu’à la période du complet développement, jusqu’à l’âge où il peut les livrer à la remonte ou au maquignon. Dans ces conditions, la petite propriété s’est trouvée frappée d’interdit au point de vue de cet élevage ; elle s’est donc tournée vers la production de l’espèce bovine, dont elle écoule aisément les jeunes animaux. Elle évite ainsi l’encombrement de ses étables, et elle réalise à court terme la valeur de chaque produit, alors qu’elle aurait à courir durant trois et quatre ans des risques nombreux, avant de toucher le prix d’un cheval adulte. Les éleveurs deviennent de plus en plus rares dans le midi de la France aussi bien que dans le centre ; mais tout changerait si l’écoulement des poulains était assuré dès le sevrage. Le prix élevé que ces jeunes animaux atteignent depuis quelques années, engagerait un grand nombre des petits propriétaires de ces régions à livrer à la reproduction la jument que d’ordinaire chacun d’eux emploie à son service. Ils pourraient ainsi sans grand embarras réaliser tous les ans un profit de 200 à 300 francs, qui les encouragerait à l’élevage.

En regard de ces régions aptes à faire naître et aptes à cela seul se trouvent sur les rives des fleuves, sur les bords de l’Océan, des contrées de gras pâturages consacrés à l’élevage de la race chevaline autant qu’à celui de la race bovine. Là sont entretenues comme poulinières un grand nombre de jumens dont on ne peut tirer aucune utilisation pour le travail. Cela augmente si fâcheusement les frais de la production chevaline, que les possesseurs de ces pâturages auraient un notable avantage à importer du dehors des poulains d’un an à deux ans. Ils se débarrasseraient ainsi d’un effectif de poulinières coûteux à nourrir, coûteux à remplacer en cas de mortalité, tandis que ces mêmes mères seraient rendues aux travaux de culture, ce qui est leur place véritable. Ces régions à pâturages sont donc propres à élevé ? et non à faire naître.

On se demande naturellement par quelles causes cette répartition des rôles entre les pays de naissance et les pays de croissance ne s’est point déjà faite pour la race chevaline aussi bien que pour la race bovine. La