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temps à autre une certaine humeur aux Anglais. Un intérêt assez vif s’attachait aux premières explications parlementaires qui devaient nécessairement se produire au sujet de la politique extérieure de l’Angleterre depuis quelques mois. On était curieux de connaître l’opinion officielle du gouvernement sur les affaires d’Orient, sur l’adhésion qu’il a récemment donnée à la note autrichienne aussi bien que sur l’acte hardi par lequel il a fait de l’Angleterre la propriétaire de la moitié des actions du canal de Suez.

Si l’on s’attendait à de l’imprévu, l’attente a été un peu trompée. Les explications ont eu lieu en effet, elles ont été provoquées par les deux chefs de l’opposition dans la chambre des lords et dans la chambre des communes, lord Granville et lord Hartington, elles ont été largement fournies par lord Derby et par le chef du cabinet, M. Disraeli. En définitive, elles ne dépassent pas sensiblement ce qu’on savait, elles le précisent. Le chef du ministère a peut-être ajouté quelques détails de plus sur les petites péripéties qui ont précédé la transaction relative à Suez, et, quant au plan de réformes que la diplomatie des puissances du nord proposait de porter à Constantinople, ce qu’ont dit les deux ministres se réduit à une explication aussi modeste que simple. L’Angleterre ne pouvait ni conseiller au sultan une résistance qui l’eût compromise elle-même, ni se réfugier dans une abstention qui l’eût complètement isolée, ni proposer une nouvelle conférence européenne qui n’eût point été acceptée, et qui d’ailleurs n’aurait eu aucun avantage pratique, si l’on n’avait pas eu un plan différent à présenter. Dès lors elle n’avait plus d’autre alternative que d’accepter la situation qui lui était faite en adhérant, comme la France, comme l’Italie, à la note préparée par le comte Andrassy au nom des trois empereurs. C’était la politique la moins compromettante, sinon la plus brillante, et le ministère, en suivant cette politique, a eu la chance d’obtenir l’appui assez inattendu de M. Gladstone, qui s’est levé pour approuver en quelques mots ce qui a été fait. Ce qu’il y aurait de mieux aujourd’hui évidemment, ce serait que l’insurrection de l’Herzégovine, se sentant abandonnée à ses propres forces, de plus en plus resserrée dans-ses frontières, déposât les armes, laissant les gouvernemens européens et la Turquie en tête-à-tête pour l’accomplissement des réformes proposées. Si cependant l’insurrection persistait, si l’impuissance de la Turquie devenait de plus en plus flagrante, si des combinaisons nouvelles ou peut-être des interventions plus effectives devaient être la conséquence d’un premier acte de diplomatie, qu’arriverait-il ? Ici les ministres de la reine ont en le soin de déclarer que l’Angleterre avait réservé sa liberté d’action, qu’elle ne s’était point engagée au-delà de la note du comte Andrassy.

Qui, sans doute, l’Angleterre a réservé sa liberté d’action, comme tous les autres cabinets se sont réservé le droit de prendre conseil de