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une politique de réserves, de mauvaise humeur et d’équivoque. D’un autre côté était la réalité, la constitution, la république. Le pays avec son instinct a voté pour la réalité, pour le régime établi, et il a eu raison. Admettons un instant que cette union conservatrice dont on parle eût triomphé : elle ne pouvait que renouveler dans les deux chambres les spectacles de division et d’impuissance de la dernière assemblée, avec cette différence toutefois que dans la majorité nouvelle, d’après toutes les données électorales, les bonapartistes auraient formé le plus gros contingent, comme ils sont aujourd’hui la fraction la plus considérable de la minorité. C’était la lutte perpétuée de toutes les monarchies, la perspective d’une crise permanente. C’était la continuation de ce que nous avons vu si souvent. Le pays a préféré aller droit au fait en votant pour des républicains, et si les anciens conservateurs sont vaincus, c’est qu’ils l’ont voulu, c’est que par leurs tactiques, par leurs réticences et par leur impuissance, ils se sont affaiblis devant le suffrage universel, à qui ils n’ont su offrir que le programme de leurs compétitions et de leurs regrets stériles. Ce sont les anciens conservateurs qui ont fait les dernières élections telles qu’elles sont, et lorsqu’ils se plaignent maintenant de leur défaite, ils oublient qu’en manquant à leur rôle, en poursuivant jusqu’au bout une victoire de parti là où il n’y avait à s’occuper que de l’intérêt du pays dans les conditions légales qui existent, ils ont contribué à créer la situation difficile dont ils sont les premières victimes.

Elles ne sont point en effet absolument ce qu’elles devraient être, ces élections dernières, et c’est précisément ce qui en fait la gravité. Elles sont une réaction trop visible contre la fausse politique des partis conservateurs, contre l’ancienne assemblée de Versailles, et le danger est bien plutôt aujourd’hui dans un excès de majorité républicaine. Évidemment le scrutin du 20 février n’a point eu partout le caractère de modération qu’il aurait dû garder. Il a fait dans quelques départemens, et notamment à Paris, — la pauvre et grande ville qui n’échappe jamais à ce périlleux ridicule, — une part démesurée aux élémens violens et exclusifs. Non assurément, ces élections parisiennes n’ont rien de flatteur ni de rassurant. Comme il est la cité de l’intelligence, des lumières et des illustrations, Paris s’est donné décidément le luxe de nommer la fleur du panier radical, M. Floquet, M. Greppo, — sans oublier l’inévitable M. Barodet. Et l’on dira ensuite que Paris veut primer la province! Il est vraiment au contraire assez modeste et se contente de peu. Certes, auprès d’une ville réputée spirituelle, avoir eu un jour l’étrange fortune de l’emporter sur M. de Rémusat, cela seul devrait suffire pour couvrir un homme d’un ineffaçable ridicule. Eh bien ! non, M. Barodet n’en est pas mort; depuis qu’il a éclipsé M. de Rémusat et contribué à la chute de M. Thiers au 24 mai, il s’est pris au sérieux, il a de l’importance