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rumeurs, sur les lambris du sanctuaire débaptisé, et en deux heures il fut consumé par les flammes.

Il est peu probable que le shinto détrône jamais la religion professée par la grande majorité des Japonais; il lui manque pour cela un symbole, des dogmes, une morale, tout ce qui fait la vitalité et facilite la propagation d’une croyance religieuse. Après avoir essayé de donner une idée de son caractère et de ses vicissitudes, il nous reste à nous expliquer sur les résultats qu’il a produits relativement à l’éducation du peuple japonais, sur son rôle dans la civilisation indigène ; mais nous ne pourrons déterminer sa part d’influence qu’après avoir étudié les autres croyances qui sont venues se mêler à lui ou le supplanter.


II.

C’est la destinée du Japon qu’à l’origine de toutes les grandes manifestations de l’esprit national dans les arts, dans les sciences, dans la littérature, dans la philosophie, on retrouve l’imitation étrangère et particulièrement l’intervention de la Chine. Le shinto n’échappe pas à cette loi. C’est au VIIe siècle de notre ère que la philosophie de Confucius et Mencius (Shoung-tseu et Meng-tseu) s’introduisit avec l’étude des belles-lettres chinoises à la cour de Kioto. On connaît la doctrine de Confucius, et ce n’est pas lui rendre un hommage exagéré de dire qu’elle est le plus bel effort de l’esprit humain dans la recherche de la perfection morale en dehors de toute pensée religieuse. Elle rappelle par là ce que l’école de Socrate nous a laissé de plus sublime. Comme le sage grec qui fut presque son contemporain, le sage chinois se distingue par une confiance imperturbable dans la droiture morale de l’âme abandonnée à sa libre direction; mais en même temps il exige de ses disciples une tension perpétuelle de la volonté et de l’entendement, pour discerner en toute occasion le bien et le mal et conformer leur conduite à la « voie » droite. Une telle doctrine est nécessairement contemplative; elle ne peut donc être dans sa plénitude que l’apanage d’un petit nombre de moralistes ou de politiques, car il est encore plus souvent question, surtout dans Mencius, des règles d’un bon gouvernement que des devoirs d’un particulier vertueux. Tout en faisant le plus grand honneur à l’humanité, le confucianisme ne peut constituer la règle de conduite d’un peuple nombreux et ignorant. En dehors des privilégiés, il ne s’est jamais répandu chez les masses que comme un catéchisme étroit, résumé dans les cinq devoirs : dsin, vivre vertueusement; gi, rendre justice à tout le monde; re, être poli; tsi, bien gouverner; sin, avoir la conscience pure. Admirables préceptes sans doute, mais qui, pour être médités et appliqués aux actions