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Le premier des dangers était dans les circonstances extérieures. Cette guerre de 1848 qui éclatait ainsi à l’improviste, sans préparation, elle se liait intimement à toute une situation révolutionnaire, à un bouleversement européen. Il en résultait que, jusqu’à un certain point, tout dépendait au-delà des Alpes de ce qui se passerait en Europe, des réactions qui pouvaient, qui devaient inévitablement se produire. Les chances de succès, réelles sans doute au début de la campagne, diminuaient bientôt à mesure que les événemens se déroulaient. Après les journées de juin, la France avait assez de songer à elle-même, et l’intervention dont elle avait la pensée lorsqu’elle formait une armée des Alpes, devenait une médiation traînante et évasive. L’Angleterre, associée à cette médiation, n’avait d’autre souci que d’en finir avec toutes ces agitations menaçantes pour l’ordre européen de 1815. L’Allemagne révolutionnaire, loin de se montrer favorable, revendiquait en plein parlement de Francfort les citadelles de l’Adige comme les gardiennes de ses frontières naturelles. L’Autriche, un moment ébranlée, avait le temps de se reconnaître, de se relever par la main de ses généraux à Prague, à Vienne, et, du cœur de l’empire, les poètes envoyaient à Radetzki, au vieux guerrier d’Italie, le cri sympathique : « dans ton camp est l’Autriche ! » En peu de mois, tout avait changé, si bien qu’avant l’automne de 1848 le Piémont, rejeté du Mincio sur le Tessin, réduit à subir le pénible armistice du 16 août, restait seul en face de l’Autriche raffermie et victorieuse, n’ayant plus rien à espérer de l’Europe, hésitant à reprendre les hostilités avec une armée désorganisée par la défaite, et déjà impuissant à contenir les passions qui voulaient le ramener au combat.

Une autre cause de ruine était là en effet, dans ces passions violentes, dans la situation intérieure de l’Italie. Pendant que l’armée se battait vaillamment à Pastrengo et à Goïto, à Curtatone et à Vicence, tout conspirait contre elle. D’un côté les princes, effrayés et défians, refusaient leur alliance ; le pape, par l’encyclique du 29 avril, désavouait la guerre de l’indépendance, et le roi Ferdinand de Naples livrait le 15 mai une bataille victorieuse de répression intérieure qui rejetait définitivement la politique napolitaine dans la réaction à outrance. D’un autre côté, tous les sectaires, les fauteurs de séditions et de conspirations, Mazzini en tête, soufflaient partout le feu, aggravant les difficultés de la guerre par les divisions, compromettant l’œuvre de l’indépendance par l’explosion de tous les systèmes et de toutes les passions républicaines, unitaires ou fédéralistes. C’étaient vraiment les plus utiles auxiliaires de l’Autriche, et les revers de l’armée piémontaise devenaient le signal d’une immense et désastreuse anarchie qui se répandait partout,