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des puissances médiatrices, soit pour reprendre les armes. Déjà tout était prêt, l’Angleterre et la France approuvaient ce projet, le général Alfonso de la Marmora s’approchait avec une division piémontaise de la frontière de Toscane. Malheureusement Gioberti, arrivé au pouvoir avec les exaltés du moment, avec Rattazzi, Buffa, Sineo, Tecchio, avait commis la faute de dissoudre le premier parlement piémontais qui venait à peine de naître, et de laisser élire à l’abri de son nom une nouvelle chambre toute démocratique. Gioberti se croyait encore le maître, il n’était plus rien ; au dernier instant, il restait seul avec son projet d’intervention, abandonné par une chambre où dix élections l’avaient envoyé, trahi par quelques-uns de ses collègues dans son propre cabinet, vainement soutenu par Cavour, qui avait maintenant à le défendre contre ses amis de la veille.

La défaite de Gioberti, c’était la victoire des ministres démocratiques opposés à l’intervention dans l’Italie centrale, impatiens de rompre l’armistice et toutes les négociations, partisans de la guerre immédiate ; c’était le mouvement repris et poussé à fond avec une armée encore mal réorganisée et irritée des outrages des partis, avec un roi dévoré d’amertumes, qui, placé entre des combinaisons compliquées et une nouvelle guerre d’indépendance, préférait aller se jeter sur l’épée autrichienne, avec un pays qui n’avait plus qu’un cri : « il faut en finir ! » Une année après le premier passage du Tessin et le départ confiant pour la campagne de Lombardie, le Piémont se trouvait ramené au combat comme à une suprême aventure. La « politique des moyens révolutionnaires, » selon le mot de Cavour, avait eu le temps de naître, d’épuiser ses déceptions, pour aller expirer le 23 mars 1849 dans la catastrophe de Novare, où le roi Charles-Albert jouait sa couronne avec un héroïsme désespéré, où le Piémont et l’Italie perdaient pour le moment leur dernière chance.

Qu’on se représente un instant ce lendemain d’une défaite préparée par l’esprit d’aventure et accomplie en quelques heures. C’est toujours le fond de l’abîme où semble rouler une nation vaincue. La première conséquence de Novare était la nécessité d’un armistice qui livrait une partie du pays à l’occupation étrangère. Les Autrichiens campés sur la Sesia, maîtres d’avoir garnison à Alexandrie, tenaient le Piémont entre la menace d’une invasion complète et une paix dont ils ne disaient pas encore les conditions, qui devait être dans tous les cas la dure rançon d’une année de guerre et de révolution. Les Piémontais ne pouvaient plus opposer une résistance sérieuse. L’armée s’était sans doute battue courageusement à Mortara, à Novare, sous les yeux de Charles-Albert toujours