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celui qui a la bonne fortune de trouver la pièce est infailliblement heureux pendant toute l’année. Les « étrennes » n’ont encore été introduites que de nom à Aigion ; c’est un des usages que les Grecs se montrent le plus rebelles à emprunter à l’Europe. L’Epiphanie ou Théophanie s’appelle communément Phôta (lumière), parce que c’est, selon la légende, le jour où le baptême du Christ a éclairé le monde. C’est aussi la fête célèbre de la bénédiction des eaux, scrupuleusement conservée par tous les peuples de religion grecque dans les villes qui sont sur le bord de la mer : on jette en grande pompe une croix dans les flots, puis on bénit l’eau à l’église et les prêtres se rendent en procession dans toutes les maisons de la ville pour les bénir avec la nouvelle eau.

Le carnaval est fort long, il dure trois semaines ; mais ce délai n’a trait qu’à la permission donnée par l’église de faire gras pendant ce temps. À Athènes, on se déguise à certains jours de la semaine, principalement le jeudi, qu’on appelle Tzikno-pempti, « jeudi rôti, » à cause des nombreux festins qu’on donne ce jour-là ; mais à Aigion, l’usage ne le permet qu’aux trois ou quatre derniers jours qui précèdent le carême. Alors tous les jeunes gens et les jeunes filles prennent un costume quelconque et commencent ensemble ce qu’on appelle les visites : on se réunit en troupes nombreuses, masquées, et l’on se rend, avec ou sans musique, dans toutes les maisons qu’un des masques désigne à la bande. On entre en chantant : chacun, contrefaisant sa voix, essaie les grimaces et les contorsions les plus burlesques, et cherche à intriguer aussi plaisamment que possible les maîtres de maison. Quand un maladroit s’est fait reconnaître, la troupe tout entière se démasque et se retire gaîment pour aller, à la grande joie de tout le monde, recommencer la même scène dans une autre maison. Ce divertissement est d’autant plus goûté en Grèce qu’on en dit la coutume venue en droite ligne de Paris.

Le carnaval dure jusqu’au lundi seulement, et il serait difficile de calculer ce que pendant ces quelques jours chacun boit et mange pour se préparer au long jeûne à venir. Le carême commence avec son interminable série d’abstinences. Les Grecs font maigre tous les jours, c’est-à-dire qu’ils mangent du caviar, des olives, du riz et des légumes assaisonnés à l’huile. Les mercredis et vendredis cependant ils doivent accommoder tout à l’eau. Deux grandes fêtes permettent seules de servir à table du poisson : c’est le jour des Rameaux et le 25 mars, appelé Évangélismos parce qu’il correspond au jour où l’archange Gabriel annonça à la Vierge qu’elle aurait un fils. Cette fête religieuse est en même temps l’anniversaire de la délivrance de la Grèce, et, comme telle, on la célèbre avec la plus