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Cela ne fut pas possible. Leur commerce avec la France devint l’objet d’agressions multipliées. Ils voulaient se couvrir de leur neutralité; toutefois l’Angleterre comprenait à sa façon le droit des neutres, puis elle prétendait imposer à la Hollande l’exécution des traités d’alliance. Elle la somma de remplir ses obligations. Pour les autres puissances neutres qui se liguaient alors, elles ne poussèrent pas la magnanimité jusqu’à défendre un pays faible, mais glorieux, qu’on faisait mine d’attaquer sérieusement. De quelque côté que fussent la lettre et le droit, il est certain que la Hollande n’était pas en mesure de soutenir ce ton d’indépendance en face de son impérieux allié. L’Angleterre, assaillie de toutes parts et fort irritée, se retourna brutalement contre ce petit marchand qui voulait tirer son épingle du jeu, et vengea sur lui les mécomptes qu’elle éprouvait ailleurs. Elle canonna sa flotte, confisqua ses précieuses marchandises, pilla sans scrupule la colonie de Saint-Eustache, et de plus elle lui fit payer les frais de la guerre, car elle s’empara de tous les établissemens hollandais dans l’Amérique du Sud, au cap de Bonne-Espérance ou dans l’Inde. Certes le procédé n’était pas généreux; mais la résistance des Hollandais à des engagemens anciens, leur accès de fierté tardive, le rôle ambigu qu’ils essayaient de jouer, ou même la neutralité qu’ils réclamaient seulement au moment du péril, tout cela est peut-être moins intéressant que ne voudrait M. Bancroft, et à coup sûr ce n’était point d’une bonne politique. Il fallait choisir un autre moment pour braver l’orgueil anglais, déjà profondément blessé. John Bull n’a pas la main légère d’un revers de férule, il écrasa son ancien ami.

Si la défiance envers de faux amis est un sentiment légitime, M. Bancroft a le droit de se défier des Espagnols. Jamais puissance ne témoigna plus de répugnance aux alliés que la nécessité lui imposait et ne poursuivit plus ouvertement un but incompatible avec ses engagemens. Ni les maximes de cette nation, ni ses intérêts sagement compris ne la poussaient à soutenir les Américains; aucune entente loyale me pouvait se former entre elle et la France, malgré l’union apparente des souverains et la conformité trompeuse des institutions. L’Espagne possédait encore, au-delà de l’Océan, le vaste domaine qui avait fait sa grandeur d’un jour et son appauvrissement durable : elle devait craindre, en face des rebelles, la contagion de l’exemple. La France, descendue au dernier rang des puissances coloniales, devait désirer la destruction d’un monopole où elle n’avait plus sa part. L’Espagne, vivant sur de vieilles erreurs économiques, exploitait le Nouveau-Monde et n’avait guère de commerce réglé. La France développait le sien et gagnait beaucoup par l’établissement de relations directes avec les États-Unis. La différence des institutions n’était pas moindre que l’opposition