Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fallait poursuivre la guerre avec la dernière vigueur, il fallait aussi, et cela par humanité, faire sentir tous ses maux à la foule souveraine et la contraindre ainsi à souhaiter la paix.

Le gouvernement de Washington, effrayé des sacrifices que la guerre imposait, était prêt, assurait-on, à proposer au sud une paix boiteuse, un compromis. Cette pensée de compromis indigna surtout Sherman, et voici ce qu’il écrivit aux chefs de son gouvernement :


« La loi des majorités a été jusqu’ici notre grand arbitre. Jusqu’ici chacun s’y est soumis dans les questions contestées, mais les majorités numériques ne sont pas toujours les majorités physiques. Les gens du sud, bien qu’inférieurs en nombre, soutiennent qu’ils peuvent vaincre la supériorité numérique du nord, et dès lors, suivant la loi naturelle, ils prétendent qu’ils ne sont pas tenus de se soumettre à la loi de la majorité.

« Il n’y a donc à mes yeux qu’une seule question à résoudre, et tout doit être ajourné jusqu’après sa solution.

« Pouvons-nous les contraindre ? Si nous le pouvons, notre majorité numérique possède à la fois le droit naturel et constitutionnel de les gouverner ; si nous ne le pouvons pas, ils affirment qu’ils ont le droit naturel de choisir leur gouvernement, et dans ce cas ils ont raison.

« Bannissant donc toute question secondaire, j’affirmerais la doctrine que les États-Unis ont comme nation le droit et la force de pénétrer dans toutes les parties du domaine national, et que nous le ferons à notre heure, peu importe que ce soit dans un an, dans deux, dans dix, dans vingt ans, que nous briserons tous les obstacles, dussions-nous tuer jusqu’au dernier homme, saisir le dernier acre de terre, la dernière parcelle de propriété, que nous ne nous arrêterons pas tant que le but ne sera pas atteint, que tous ceux qui ne nous secondent pas sont nos ennemis, et que nous n’avons aucun compte à en tenir…

« Le seul gouvernement que méritent les états de la Louisiane, de l’Arkansas, du Mississipi, c’est l’armée de Grant, ce qui veut dire simplement assez de recrues pour remplir ses rangs, et tout le reste viendra à son heure…

« J’espère donc que le gouvernement des États-Unis continuera à rassembler dans des armées organisées la force physique de la nation, qu’il continuera à l’employer au rétablissement de l’autorité nationale, et qu’il persévérera sans faiblesse jusqu’au bout. Si cette fin est proche ou éloignée, nul ne le sait ; mais nous n’avons pas de choix entre le succès ou la dégradation. Ou nous serons les maîtres du sud ou il sera le nôtre. Vaincre ou être vaincus ; il n’y’a pas de milieu.

« Ils ne songent et ne demandent qu’à vaincre. Parler de compromis serait folie, car nous savons tous qu’ils en repousseraient l’offre avec mépris. »