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Sur le premier point, Gaudin n’était aucunement embarrassé ; il disait que dans ce cas on refondrait les pièces d’or, que ce n’était pas une grande affaire, les frais de refonte n’étant que d’un 1/2 pour 100, soit de 5 millions pour 1 milliard. Et encore il entendait que les frais seraient à la charge des particuliers à qui appartiendraient les pièces. Toutefois on négligea d’inscrire cette disposition dans la dernière édition de la loi, ce qui fut un tort. Quant à la mise en pratique de cette solution, on s’en remettait à la probité et à la sagesse du gouvernement.

L’erreur de Gaudin était de se méprendre totalement sur le nombre des refontes qui seraient nécessaires pour maintenir la pièce d’or, par rapport à celle d’argent, dans une proportion de valeur qui répondit aux cours comparés des lingots de l’un et de l’autre. Le commerce des métaux précieux en lingots et en monnaies était, depuis la révolution, devenu plus libre ou moins asservi, quoiqu’il fût loin d’avoir la liberté légale qu’il a aujourd’hui, mais les restrictions qui atteignaient la manipulation des monnaies étaient abolies. Il s’ensuivait qu’en tant que l’opération dépendait de la France, l’envoi de l’un ou l’autre des métaux précieux d’un pays où il avait moins de valeur dans un pays où il en avait une plus grande, en fondant en lingots les pièces de monnaie, était moins difficile qu’autrefois ; par conséquent, la raréfaction de l’un ou l’autre des métaux précieux en France était facilitée aussi. Ce n’était pourtant qu’au retour de la paix générale que le commerce des métaux précieux, monnayés ou en lingots, devait recevoir la plénitude de la liberté.

Gaudin était persuadé, on ne sait pour quelles raisons, que l’or et l’argent, une fois monnayés conformément à la loi à laquelle il coopérait, demeureraient en France indéfiniment l’un à côté de l’autre. Il ne prévoyait pas qu’un changement notable dans l’offre et la demande de l’un ou de l’autre pût survenir prochainement, de manière à déterminer la hausse marquée de l’un par rapport à l’autre, ou, en d’autres termes, la rupture manifeste du rapport de 1 à 15 1/2. Il ne s’attendait pas non plus à une irruption soudaine de l’un des deux par la découverte de nouvelles mines d’une grande richesse. Il avançait donc assez témérairement que la nécessité d’une refonte des pièces d’or, motivée par un écart sensible de ce rapport, dans un sens ou dans un autre, ne se présenterait pas avant une cinquantaine d’années. Il était loin de soupçonner, ce qui arriva pourtant, qu’il assisterait sous peu à une demande de l’un des deux, l’or, assez forte en comparaison de l’offre pour altérer ce rapport, à ce point qu’en conscience, pour maintenir l’or à côté de l’argent, il eût fallu procéder, conformément à sa promesse, à une refonte des pièces de ce métal.

Il y avait du reste un autre expédient, bien plus expéditif, bien