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LA
MADONE DE L’AVENIR

I.


L’histoire que je vais raconter me rappelle ma jeunesse et mon séjour en Italie, — deux beaux souvenirs. J’étais arrivé à Florence assez tard dans la soirée, et en achevant de souper, je me dis qu’un Américain qui débarque dans une pareille ville ne doit pas l’insulter en se mettant vulgairement au lit sous prétexte de fatigue. Je me levai donc, et je suivis une rue étroite qui s’ouvrait non loin de mon hôtel. Dix minutes après, je débouchai sur une grande piazza déserte qu’éclairaient les pâles rayons d’une lune d’automne. En face de moi se dressait le Palazzo-Vecchio, avec sa grande tourelle qui s’élance comme un pin au sommet d’une colline escarpée. Au bas de l’édifice se dessinaient vaguement des sculptures, et je m’approchai afin de les examiner. Une des figures que j’avais entrevues, placée à gauche de la porte du palais, était un magnifique colosse qui semblait lancer un défi aux passants. Je reconnus bien vite le David de Michel-Ange. Éclairée comme elle l’était, cette image de la force prenait un aspect sinistre, et ce fut avec une sorte de soulagement que je détournai les yeux pour contempler une statue de bronze posée sous la loggia, dont les élégantes arcades forment un si charmant contraste avec l’ensemble massif du palais. Rien de plus vivant, de plus gracieux que cette statue ; le personnage conserve un certain air de douceur, bien que le bras nerveux qu’il allonge tienne une tête de Gorgone. Ce personnage a nom Persée, et vous trouverez son histoire, non pas dans la mythologie grecque, mais dans les mémoires de Benvenuto Cellini.

Tandis que mon regard allait de l’une à l’autre de ces belles œuvres, je témoignai sans doute mon admiration par quelques pa-