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LA PSYCHOLOGIE MEDICALE
DANS
LES DRAMES DE SHAKSPEARE

Tout semble avoir été dit sur Shakspeare. Depuis des siècles déjà, chez tous les peuples, la critique aurait épuisé ses recherches sur le poète et sur le philosophe, si un tel sujet n’était de sa nature inépuisable. Cependant le côté scientifique de cette vaste et puissante intelligence, la profondeur et la finesse de ses intuitions psychologiques, si j’ose le dire, la pénétration et la justesse de son coup d’œil d’aliéniste, n’ont guère été encore étudiés. Des médecins anglais et américains, M. Bucknill et M. Kellog surtout, ont naguère appelé l’attention sur la singulière exactitude des observations et de la science intuitive de Shakspeare dans le domaine des maladies mentales. Ces médecins se sont presque uniquement occupés des personnages atteints d’aliénation mentale ou simulant la folie ; tous ont admiré avec raison la science de Shakspeare et l’exactitude vraiment étonnante avec laquelle il a décrit cette maladie. Ce n’est pas seulement dans l’étude de la folie que Shakspeare se montre observateur profond ; il a su, presque dans chacun de ses drames, interpréter scientifiquement les troubles de nos sens et ceux de notre cerveau. Comment le poète qui a si bien connu l’humanité, qui a scruté si avant le cœur de l’homme, qui en a exprimé les passions avec une vie aussi intense, n’aurait-il pas été un grand psychologue, possédant toutes les qualités du véritable savant ? Aussi, parmi les auteurs dramatiques, nul n’a poussé plus loin la connaissance des phénomènes de cet ordre, le sentiment intime des rapports de nos sensations et de nos idées. Il a dépeint en médecin