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font défaut, les outils même ne se trouvent pas en quantité voulue; il se voit dans l’obligation de recruter dans les corps de troupes des auxiliaires de bonne volonté, lorsqu’il faut des officiers du génie pour conduire les opérations d’un siège[1].

Wellington suppléait tant bien que mal à ces défaillances en pressurant le pays où il faisait vivre son armée. Il est à croire que, désireux de se tenir indépendant autant que possible du contrôle ministériel, il rendait peu de comptes de ses besoins ou ne demandait que des soldats et de l’argent. La paix conclue, la gloire qu’il s’était acquise faisait de lui le chef naturel de l’armée; mais il était en même temps un homme politique, avide de conserver sa réputation, soigneux par conséquent d’éviter les luttes parlementaires. Il était alors d’avis que les militaires devaient se tenir cois, les pouvoirs publics étant plus disposés à rogner le budget de la guerre qu’à l’augmenter. Les années s’écoulèrent. Outre qu’il y avait peu de chances que la Grande-Bretagne fût lancée de nouveau dans les aventures d’un conflit européen, Wellington se persuadait volontiers, tout au moins permettait-il aux officiers de la jeune génération de se persuader que les élémens militaires dont il avait tiré bon parti seraient encore suffisans à l’occasion. S’il conçut quelques velléités de réforme vers le déclin de sa vie, il n’eut pas l’énergie de les soutenir avec assez d’insistance pour qu’elles fussent suivies d’exécution.

Burgoyne montra plus de prévoyance. En 1846, — il vient d’être nommé inspecteur-général des fortifications, — l’une des premières affaires qui l’occupent est l’armement de l’infanterie. C’est vers cette époque que les belles recherches de MM. Tamisier, Delvigne et Minié prouvèrent qu’il est possible de mettre entre les mains des soldats une carabine de précision. À cette époque aussi, l’on commençait à soupçonner dans les états-majors la nécessité d’enseigner aux troupes l’usage de ces fusils de nouveau modèle dont l’efficacité n’est réelle qu’autant que le soldat apprend au préalable à s’en servir. Les recherches et les découvertes des officiers français étaient connues en Angleterre. Lord Anglesey, l’une des autorités militaires du jour, n’aurait pas mieux demandé que d’instituer des écoles de tir; mais, pour acheter des cibles et des cartouches, il aurait fallu demander un crédit supplémentaire aux ministres, qui ne se souciaient nullement d’en faire la proposition au parlement.

  1. Sous les murs de Sébastopol, le vieux général se plaisait à raconter un incident presque grotesque survenu dans l’un des sièges de la Péninsule par suite de cette absence de bonne direction. Il avait un jour tracé sur le terrain et marqué par des piquets l’alignement à suivre pour une tranchée; la nuit venue, un sapeur français vint déplacer les piquets et modifier l’alignement de telle sorte, que la tranchée était enfilée par les feux de la place.