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LE
RACHAT DES CHEMINS DE FER
EN ALLEMAGNE

Dans le discours qu’il prononça au Reichstag le 22 novembre 1875, M. de Bismarck déclara qu’une réforme générale des impôts et des douanes était certainement désirable, mais que cette réforme était une œuvre de longue haleine, qu’elle demandait le concours de tous les états de l’empire, qu’on ne pouvait l’entreprendre sans danger, qu’il convenait de l’ajourner jusqu’à des temps plus propices. — La question est bien résolue dans mon esprit, disait-il, et je sais ce que je ferais, si j’étais libre de faire tout ce que je veux ; mais je dois compter avec vingt-cinq gouvernemens, vingt-cinq parlemens, vingt-cinq ministres, voire avec mes propres collaborateurs. Tels que nous voici, nous nous entendons à merveille ; le jour où il faudrait passer à l’exécution, on verrait se manifester de nombreuses divergences. Et puis représentez-vous un peu la vie d’un chancelier de l’empire ; le Reichstag et le conseil fédéral se disputent ses journées. Comment aurait-il le loisir d’élaborer des réformes avec la maturité convenable ? — M. de Bismarck ajoutait que l’empire allemand était jeune encore, beaucoup plus jeune que tous les autres états de l’Europe, qu’avant de le soumettre à de périlleuses épreuves, il fallait lui laisser le temps de grandir, de se fortifier, qu’on ne pouvait trop ménager cette plante délicate, éclose d’hier, dont la fragilité était à la merci d’une gelée, d’un accident, d’une maladresse, d’une bévue ou d’une utopie de jardinier. — « Si l’empire vient à périr, s’écria-t-il avec mélancolie, ce dont Dieu nous préserve, l’ancien état de choses sera rétabli, les divers particularismes qui jadis se partageaient l’Allemagne ressusciteront, principalement le plus puissant, le plus dangereux de tous, le particularisme prussien. La