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reçoit une nouvelle excitation, il se raccourcit encore, et si une troisième excitation vient le surprendre, il continue à se raccourcir, et ne redescend plus. Que si l’on suppose une série d’excitations très fréquentes se succédant les unes aux autres, il n’y aura plus cette secousse simple produite par une excitation électrique unique, mais un tétanos constitué par la fusion d’un grand nombre de secousses musculaires. Plus la fréquence des secousses est grande, plus leur fusion est complète, et si l’interruption est très rapide, on finit par ne plus saisir qu’un seul mouvement, qui paraît simple, mais qui en fait est la fusion d’une grande quantité de petites secousses.

Cette étude du tétanos musculaire provoqué par une série d’excitations électriques se succédant à de très courts intervalles, est nécessaire pour faire comprendre la nature de la contraction musculaire volontaire. En effet, un muscle que la volonté met en action ne donne pas une secousse musculaire, mais une série de secousses fusionnées ; en somme, un véritable tétanos, plus parfait et plus complet que le tétanos produit par l’interrupteur de la bobine de Ruhmkorff. Helmholtz a fourni une démonstration fort élégante de ce fait en étudiant le bruit musculaire. Si un observateur applique l’oreille sur un muscle qui se contracte, le muscle de la mâchoire par exemple, ou du bras, il entendra un son musical dont il pourra reconnaître la tonalité. En général, cette tonalité est de 39 vibrations par seconde. La conclusion est bien simple. Puisque le muscle vibre quand il se contracte, il faut bien que la contraction se compose de plusieurs secousses ; chaque secousse étant une vibration. Il y a lieu à ce sujet de faire une exception remarquable. Le cœur est un muscle dont la contraction n’est pas un tétanos, c’est-à-dire une série de secousses fusionnées ; c’est une seule secousse, et chaque fois que le muscle cardiaque se referme pour chasser le sang dans les artères, c’est un seul mouvement qui s’inscrit sur le cylindre. Peut-être faut-il chercher la cause de cette particularité dans la structure même des fibres musculaires du cœur. Au lieu d’être simples comme dans les autres muscles, elles sont bifurquées et anastomosées entre elles, en sorte qu’il y a une solidarité étroite entre toutes les parties du muscle, ce qui les force à se raccourcir et à réagir en même temps. En présence de ce fait il y a lieu de se demander si le bruit qu’on entend, au moment de la contraction du cœur, est dû à la vibration musculaire, comme quelques auteurs tendaient à l’admettre. Cela ne paraît guère probable, la systole, c’est-à-dire la contraction du cœur, étant une secousse musculaire simple, et non la fusion de plusieurs secousses déterminant un bruit musical par la rapidité de leurs vibrations.

C’est ainsi que par la précision avec laquelle le levier-aiguille marque sur le cylindre enregistreur les moindres oscillations de la fibre musculaire, M. Marey a pu étudier l’effet de différens poisons, de la vératrine, de la brucine et de la strychnine. Cette dernière substance