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surplus fort modeste. Sous les drapeaux, ils sont traités sur le même pied que les réguliers; le reste du temps, ils reçoivent une indemnité annuelle de 150 francs : ils sont libres, il est vrai, de se livrer aux travaux de leur profession. Il n’en coûterait guère d’augmenter cette indemnité, qui est peut-être insuffisante; mais alors les sergens recruteurs de la milice feraient du tort à ceux de l’armée active qui sont déjà dans l’embarras. En effet, les 20,000 recrues de chaque année sont loin de suffire à l’effectif que l’on voudrait avoir, et cependant ces 20,000 hommes ne sont pas tous de bonne qualité. Il y a dans le nombre quantité de jeunes garçons de dix-sept à dix-huit ans. Dernièrement un régiment partant pour l’Inde avait une moitié de son effectif au-dessous de vingt ans. Comme un acte du parlement interdit avec raison d’envoyer de trop jeunes soldats dans cette contrée, dont les adultes vigoureux ont peine eux-mêmes à supporter le climat, il fallut faire permuter ces jeunes gens avec les hommes faits des autres régimens de la métropole. Ainsi tous les soldats au-dessous de vingt ans restent en Angleterre, si bien que les troupes cantonnées autour de Londres, en vue d’une guerre éventuelle, sont en grande partie hors d’état de tenir campagne. Ce n’est pas tout : que dire de ces 18,000 déserteurs et de ces 8,000 autres congédiés comme indignes! On a calculé que depuis quatorze ans la moyenne des déserteurs s’est toujours élevée au quart des enrôlés. C’est qu’il y a quantité d’hommes qui font métier de s’enrôler pour toucher la prime d’engagement et déserter ensuite; c’est que les sergens recruteurs, ne sachant où s’adresser, embauchent à tout hasard les vagabonds des grandes villes dont le dossier judiciaire est souvent bien chargé.

Les Anglais ne veulent pas se l’avouer encore, la conscription appliquée à la milice tout au moins est le seul remède que comporte la situation. Avec le tirage au sort et le service obligatoire pour tous les hommes à qui l’aptitude physique ne fait pas défaut, ils se donneraient à bref délai une armée territoriale respectable par le nombre et la qualité. Le goût naturel qu’ils ont pour les exercices corporels leur rend plus facile l’éducation militaire. Peut-être n’y aurait-il plus alors d’inconvénient à recruter l’armée active à prix d’argent. Peut-être en effet les troupes mercenaires valent-elles autant que d’autres pour les garnisons coloniales auxquelles la Grande-Bretagne se voit obligée de pourvoir dans une si large mesure. D’autres améliorations nécessaires viendraient ensuite sans beaucoup de peine. Maintenant les sous-officiers, quelque méritans qu’ils soient, n’obtiennent presque jamais l’épaulette; à défaut d’une loi formelle, l’usage s’y oppose. C’est une coutume aristocratique qu’il est aisé d’abolir. Les vieux soldats rentrent dans la vie civile dénués de ressources; s’ils ont appris un métier dans leur