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Pontarlier, la municipalité délivrait, dit-on, à chacun des jeunes soldats, à titre de joyeux départ, un grand sapin, que le futur héros vendait de 6 à 8 francs. En quarante ans, de 1830 à 1870, la valeur du sapin a doublé en France. Après 1830, les bois résineux étaient évalués à l’importation 26 francs le stère ; en 1869, c’était 50 francs, En 1830, la Ville de Remiremont, vendant annuellement 3,300 mètres cubes de sapin, en tirait un revenu de 25,000 francs ; en 1869, elle vendait la même quantité de bois 50,000 francs, et en 1875, l’année dernière, 80,000 francs. Les routes forestières ont beaucoup contribué à la hausse des prix du bois sur pied, en même temps que le développement général des voies de transport tendait à diminuer le prix des bois sur les marchés de vente. Ces deux causes agissaient d’ailleurs en sens contraire sur la valeur première ; mais les chemins de fer et les canaux, en distribuant les bois partout, ont créé de nouveaux débouchés et multiplié la demande. L’offre na l’a suivie qu’avec peine, parce que le chiffre des exploitations est naturellement limité. Aussi la hausse générale des prix en forêt est-elle restée la loi de la période qui vient de s’écouler, Il est peu de propriétaires qui n’aient vu, comme la ville de Remiremont, le revenu de leurs sapinières doubler au moins de puis 1830 pour un même volume exploité.

Le prix des bois de sapin a progressé rapidement depuis 1870, et il est à craindre qu’il ne soit fort accru dans une vingtaine d’années, La demande générale a pour résultat l’appauvrissement rapide des forêts résineuses dont la végétation est lente. On coupe aujourd’hui en masse des sapins de 0m,30 de diamètre à la base, qui sur pied valent en bonnes conditions 10 francs pièce. On exploité à peu près sans exception tous les arbres de 0m,50, que ton considère comme assez gros, et qui valent de même 50 francs. On ne se demande pas même quel temps il faut leur laisser pour qu’ils arrivent à 0m,70, dimension qui donné à l’arbre, aux prix actuels et dans les mêmes conditions, une valeur de 160 francs. C’est en moyenne une quarantaine d’années qu’exige le sapin pour gagner ces 20 centimètres en diamètre, Qui voudrait consentir encore à conserver pendant quarante ans des sapins qui ont déjà une belle valeur ?

Il n’y a pour ainsi dire rien à demander à la sapinière en dehors du bois d’œuvre. Les rémanens, branches et rebuts, sont minimes et n’ont souvent aucune valeur sur l’arbre. Les rais, ou branches de sapin, forment cependant la meilleure partie de l’arbre comme combustible ; pour cet emploi, le bois de sapin peut valoir la moitié du hêtre. L’écorce est également utilisée pour de chauffage ; elle renferme un peu de résiné et brûlé facilement. Dans l’écorce vive des jeunes sapins apparaissent de petites ampoulés, molles et