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l’autre mode doit être préféré suivant l’essence, la situation de la forêt, ou le milieu économique.

Le jardinage est né des exploitations primitives. Là où le bois était abondant et la forêt ouverte à tout le monde, chacun allait y puiser suivant ses besoins. Les branches brisées, les arbres renversés, les bois morts sur pied, les perches dépérissantes donnaient le bois de feu, l’affouage proprement dit. les bois d’œuvre étaient coupés çà et là, arbre par arbre, suivant les besoins du moment, et les branches, rebuts et débris de toute sorte, étaient le plus souvent laissés sur place. Tant que les exploitations de ce genre ont été restreintes, il se trouvait des arbres à exploiter, et même on a bientôt pu voir que les forêts de sapin et celles d’épicéa se maintenaient ainsi riches en gros arbres. Le tempérament délicat des jeunes sujets de ces essences n’exige pas une lumière abondante, et la flèche pyramidale s’allonge rapidement dès qu’elle est découverte. De la sorte le massif jardiné se conserve indéfiniment dans les sapinières ; si même on n’exploite annuellement qu’un petit nombre d’arbres dans la forêt d’épicéa jardinée, il peut arriver qu’elle prenne sur toute son étendue l’aspect d’une vieille futaie à peu près régulière.

Avec le temps, on est arrivé à soumettre le jardinage à certaines règles, à fixer tout d’abord le nombre d’arbres à exploiter chaque année dans la forêt. C’est ordinairement Un nombre correspondant à un arbre, un arbre et demi, ou deux arbres par hectare, non compris les perches mortes du dépérissantes. Le jardinage réglé consiste alors à enlever çà et là les arbres les plus vieux, les plus gros et les plus dégradés, en s’astreignant à parcourir chaque année une grande étendue de la forêt. La coupe, comprenant un nombre déterminé de pieds d’arbres, 150 par exemple pour une forêt de 400 hectares, ne donne pas des produits égaux d’une année à l’autre. Dans les cantons où se trouvent de gros bois, on obtient un grand volume ; dans ceux où il n’y a que des arbres moindres, le volume et la valeur de la coupe sont relativement faibles. Il en résulte que les cantons riches en matériel livrent des quantités de bois considérables, ce qui en réduit la richesse, tandis que les parties pauvres en gros arbres donnent au contraire moins qu’elles ne produisent, et par suite s’enrichissent. Peu à peu un certain équilibre s’établit entre la production du sol et les exploitations ; la forêt tend vers un état constant, d’autant plus riche que le nombre des arbres coupés annuellement est plus petit. Ainsi, là où le sol produit 4 mètres cubes à l’hectare par an, si la coupe annuelle est de un arbre par hectare, on arrivera tôt ou tard à couper des arbres qui auront un volume moyen de 4 mètres cubes. Ce résultat du jardinage par pieds d’arbres est très important et bon ; mais les