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en matière de délits, de contraventions, le laisser-faire, laisser-passer. — Voilà ce qu’il faut reconnaître. Et c’est pourquoi il importe de réagir courageusement contre des tendances qui auraient bien vite raison, non-seulement de la hiérarchie administrative, mais de l’unité même de la patrie. Déjà l’autorité préfectorale a été amoindrie par la loi du 10 août 1871 et la création des commissions départementales. Il est temps de s’arrêter sur cette pente. Qu’on se garde de battre en brèche l’autorité salutaire que le maire exerce sur les habitans de sa commune et qu’il emprunte en grande partie au mode de nomination qui depuis la loi de pluviôse a presque toujours prévalu en France.

Toutefois nous considérons volontiers que le bon accord d’un maire avec son conseil municipal est une chose désirable. Aussi tout gouvernement bien inspiré commence-t-il toujours par prendre le maire dans le sein du conseil. Rien ne s’oppose à ce qu’on fasse de cette habitude à peu près constante une obligation législative. Nous admettons parfaitement que la loi oblige le gouvernement à choisir d’abord le maire au sein du conseil, pourvu qu’elle lui permette ensuite, en cas de révocation, de le prendre au dehors. De la sorte, le gouvernement aura fait preuve de conciliation et même de déférence pour le suffrage universel. Voltaire disait, en parlant de la papauté, que c’était une puissance à laquelle il fallait toujours baiser les pieds, tout en se précautionnant de lui lier les mains. Loin de nous la pensée de faire un rapprochement qui pourrait passer pour une irrévérence ; mais, retenant le mot de Voltaire et l’appliquant au suffrage universel, qui est en effet une puissance redoutable, nous dirons qu’il faut toujours chercher à se le concilier, tout en prenant contre lui les précautions nécessaires.

Le système que nous proposons, ou plutôt que nous faisons revivre, a peut-être peu de chances d’être adopté. En France, ou l’on abuse tant des mots, où, dans les mêmes classifications, l’on ne craint pas de faire entrer les choses les plus différentes et les hommes les plus dissemblables, il suffit qu’on veuille reprendre une loi du régime impérial pour qu’on la déclare inadmissible, et qu’on la combatte avec les mêmes argumens qu’on eût fait valoir il y a vingt ans. On oublie ou l’on ne veut pas. voir que la constitution nous donne le régime parlementaire le plus large, la liberté électorale la plus complète, et que du haut en bas de l’échelle politique le système représentatif est assuré. Qu’on prenne garde toutefois de ne pas affaiblir par de mauvaises mœurs administratives les institutions républicaines que l’on prétend servir, et que l’on se souvienne qu’à l’heure actuelle ce ne sont pas les excès de la centralisation ni du despotisme qui sont à craindre, mais bien les écarts de la liberté.


ARSENE VACHEROT.