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toutes les douleurs, depuis celle de la femme, mariée ou non, qui est à la veille de mettre au jour dans une mansarde un enfant qu’elle sera peut-être contrainte d’abandonner le lendemain, jusqu’à celle de la famille qui voit mourir un des siens sans avoir même de quoi payer les frais de ses funérailles. Cette longue énumération de toutes les souffrances humaines a quelque chose qui serre le cœur, et l’on croit lire un commentaire de ce verset du livre de Job : « L’homme né de la femme vit peu de temps, et sa vie est remplie de beaucoup de misères. » Mais M. Lecour connaît aussi les différentes institutions publiques ou privées qui ont pour but de venir en aide à ces misères si variées, depuis la Société Maternelle, qui distribue des secours à domicile aux femmes mariées, et l’asile Gérando, qui ouvre aux filles-mères un refuge discret, jusqu’à l’aumônier des dernières prières, qui bénit au bord de la fosse commune le cercueil pauvre et délaissé. Je ne le suivrai pas dans cette longue énumération, qu’on voudrait voir plus longue encore, bien que M. Lecour ait été obligé de classer sous dix-sept rubriques différentes les œuvres d’assistance dont il avait à parler. Si brèves que soient les indications auxquelles il se borne on n’éprouve pas un moment d’aridité ou d’ennui. Il n’est personne qui puisse échapper à l’intérêt de ce livre, pour peu qu’il n’ait pas le cœur insensible aux souffrances de son prochain, personne qui ne puisse avoir à le consulter le jour où il se trouverait en présence de quelque infortune que seul il se sentirait impuissant à soulager. Mais s’il y a une catégorie de citoyens à laquelle il faille recommander la lecture de ce manuel (qui s’abstient soigneusement au reste de toute polémique), c’est aux membres du conseil municipal de Paris. On sait que par une décision récente de ce conseil, une somme de 87,000 francs a été retranchée du chapitre des subventions aux établissemens charitables, et mise en réserve pour être répartie ultérieurement entre les œuvres de charité purement laïques qui viendraient à se fonder. La lecture de l’ouvrage de M. Lecour parviendrait peut-être à convaincre nos conseillers municipaux que, s’ils persistent dans leur détermination, cette somme est destinée à rester longtemps en caisse ; surtout si (comme l’entend au reste le conseil municipal) on refuse le titre d’établissement laïque aux établissemens qui, tout en n’étant pas dirigés par des congréganistes, ont été cependant fondés dans une pensée et reçoivent une direction chrétienne. Ils pourraient en même temps se convaincre de la difficulté que rencontrerait l’exercice de la charité, si l’on s’avisait d’en bannir les congrégations religieuses. En veut-on un exemple ? Il existe à Paris 68 orphelinats, 6 pour les enfans des deux sexes, 8 pour les garçons, 54 pour les filles. Pourquoi cette disproportion ? Ce n’est pas qu’il y ait plus d’orphelins parmi les filles que parmi les garçons ; c’est que la difficulté pour la création de ces établissemens résidant toujours dans la question du