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de la république florentine, — enfin de Nicolo Capponi, qui mourut de douleur au spectacle d’une évidente décadence italienne, le marquis Gino n’avait qu’à remonter le cours de ses souvenirs et à les comparer avec les récentes destinées de sa patrie pour se sentir animé à dicter, vieux et aveugle, son excellente Histoire de la littérature italienne. Les mêmes événemens devaient rendre pour un étranger aussi une pareille tâche non pas sans doute plus facile, mais moins périlleuse. Nous en trouvons un témoignage dans le succès récent d’un de nos collaborateurs, enlevé aussitôt après par une mort prématurée aux lettres qu’il aimait et honorait.

M. Louis Etienne s’était proposé de tracer de cette littérature un tableau à la fois très substantiel et très concis, n’omettant aucun trait intellectuel ou moral de quelque importance, et présentant une physionomie d’ensemble aisée à saisir, fidèle et vraie. Comment réussir à faire entrer dans un cadre étroit toute l’histoire d’une vaste et riche littérature ? Nul génie peut-être n’a été plus que le génie italien prompt à une vive, libre, et quelquefois presque inconsciente production. Il a connu également l’inspiration antique et les velléités modernes ; il a touché à tous les genres ; il a exprimé par des traits d’un éclatant relief plusieurs des plus profonds sentimens du cœur humain, depuis l’épique terreur jusqu’à la gaîté comique et à l’ironie burlesque. Comment d’un pinceau rapide saisir tous ces aspects ? comment, dans un résumé, donner à tant de grands noms la place qui leur appartient sans trop réduire celle que réclament de nombreux et aimables talens du second ordre, dont la partie n’a pas été indifférente dans le concert général, et qui offrent par eux-mêmes un charme particulier ? Il n’y a qu’un moyen, c’est d’avoir par beaucoup d’étude acquis une familière connaissance du vaste sujet qu’on se propose de résumer. C’est ce que le regrettable M. Louis Etienne avait fait ; on l’avait vu, ici même, préluder à son œuvre d’ensemble par des appréciations attentives et fines sur de nombreux sujets de littérature italienne. Si dans son cadre il n’a pas compris l’histoire des arts, qui pendant le temps de la renaissance par exemple touchent de si près aux lettres, il a en revanche accordé un examen spécial à ce qui concerne l’histoire de la langue, et c’eût été une grave lacune que de s’en abstenir. On peut juger de quel prix cela est aux yeux des Italiens par les longues et curieuses dissertations sur ce sujet que M. le marquis Gino Capponi a insérées dans son livre. L’historien patriote, quand il donne à ses concitoyens des conseils pour le perfectionnement de cette langue, l’assimile en réalité avec les destinées de la littérature et même de la patrie italienne. M. Etienne a très bien compris ce qu’il y a d’absolument juste dans cette vue historique : il montre d’abord le français et l’italien naissant vers le même temps de la souche latine, mais le second de ces deux idiomes retenu plus