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dans ces derniers temps d’exiger le doctorat pour l’entrée dans la magistrature : c’est une question à examiner ; mais si cette mesure était prise, ce serait l’état qui la prendrait et non la faculté de droit, de laquelle il ne dépend nullement d’élever ou d’abaisser la barrière qui ouvre et ferme l’entrée de la magistrature. Sans doute elle serait consultée, car elle seule peut dire en quoi consiste l’examen de doctorat et s’il convient ou non à l’usage en question ; mais importe-t-il d’exiger des conditions nouvelles ou de s’en tenir à celles qui existent ? C’est ce qui ressortit certainement au ministre de la justice.

Ce qui prouve même la distinction que nous prétendons exister entre l’aptitude intellectuelle et l’aptitude professionnelle, c’est que les conditions de celle-ci sont non pas exclusivement du ressort du ministre de l’instruction publique, mais, selon l’espèce, de chaque ministre compétent. Par exemple, l’entrée dans la magistrature est fixée par le ministre de la justice, l’entrée des finances par le ministre des finances, l’entrée des écoles spéciales par le ministre de la guerre. C’est même un tort que l’on a eu dans cette question de la livrer exclusivement au ministre de l’instruction publique, comme si elle ne regardait que lui. C’est là une des causes de la confusion qui s’établit dans les esprits : on ne voit qu’une question d’enseignement là où il y a une question d’intérêt social ; l’on croit qu’il s’agit des privilèges de l’université, tandis qu’il est question des droits de l’état en général.

Il en est de la médecine comme du droit : ce sont les facultés de médecine qui jugent de la capacité médicale, c’est l’état qui fixe les conditions de l’exercice pratique de la médecine. Par exemple, il y a aujourd’hui deux ordres de médecins : les docteurs et les officiers de santé, ceux-ci n’ayant que la moitié des diplômes exigés pour ceux-là. Théoriquement rien n’est moins admissible que cette distinction. Il semble qu’un demi-médecin ne l’est pas du tout, et depuis longtemps les facultés et les académies ont protesté contre cette dualité ; mais pourquoi l’état ne les écoute-t-il pas, et pourquoi a-t-il raison de ne pas les écouter ? C’est qu’il y a des nécessités pratiques dont les corps savans font trop bon marché. Sans doute un demi-médecin n’offre pas toutes les garanties désirables ; mais il vaut encore mieux que rien, et là où il n’y a personne autre, par exemple dans les campagnes éloignées, dans certains quartiers des villes, il est bon qu’il y ait un homme ayant reçu une instruction élémentaire solide, suffisamment préparé pour les cas les plus simples et les plus fréquens, et qui vaudra mieux qu’une somnambule ou un charlatan. La détermination des conditions d’exercice de la médecine dépend si bien de l’état, qu’il pourra,