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gouvernement à la fortune et à la qualité ; il ne fut jamais un réformiste ardent, et les libéraux attendirent sa mort pour faire la seconde réforme électorale.

Le voilà à vingt-cinq ans législateur et dans un poste obscur du gouvernement ; il ne lui restait plus qu’à faire son maiden speech. Voici le ton dégagé dont il en parle à sa sœur Elisabeth (lettre du 6 février 1808) : « Mes amis ont eu la bonté de m’affirmer que je n’ai pas trop dit de sottises, les journaux ne m’ont pas fait une place très libérale dans leur compte-rendu ; mais voici en substance ce que j’ai dit. » Il explique alors, avec la gravité d’un vieux diplomate, qu’il a parlé contre la production des pièces relatives aux affaires du Danemark et au bombardement de Copenhague. Il n’y avait pas besoin de ces pièces pour justifier l’expédition. La France voulait prendre la Zélande et la flotte danoise : le Danemark n’était pas en mesure de faire respecter sa neutralité. Il fallait arracher à Bonaparte une proie qu’il était sur le point de saisir. « Je fus une demi-heure sur mes pieds, et n’eus pas aussi pour que je m’y attendais. » Ce fut sans doute un pur hasard parlementaire qui fit du nouveau lord de l’amirauté le défenseur d’une des violences les plus fameuses de l’histoire ; on ne saurait guère le blâmer quand on connaît les ordres donnés par Napoléon à Bernadotte : « Si l’Angleterre n’accepte pas la médiation de la France, il faut que le Danemark lui déclare la guerre ou que je la déclare au Danemark. Vous serez destiné, dans ce dernier cas, à vous emparer de tout le continent danois. » (2 août 1807.) Il est étrange pourtant de voir aux prises celui qui était alors le maître du monde et un jeune homme dont personne en Europe ne connaissait encore le nom.

Il est plus singulier peut-être qu’à peu de temps de là Perceval, pendant une crise ministérielle produite par la querelle de Castlereagh et de Canning, offrit à ce débutant le poste important de chancelier de l’échiquier. Palmerston fut un peu surpris ; mais, avec la gravité d’un vieil homme d’état, il demanda du temps pour réfléchir et « pour consulter ses amis. » Il consulta son tuteur, lord Malmesbury, et, sur son conseil, repoussa le poste qu’on lui offrait comme étant au-dessus de ses forces. Pour ne pas faire preuve d’une trop grande modestie, il accepta celui de ministre de la guerre, qu’on avait mis à sa disposition si le ministère des finances l’épouvantait. Il entra en fonctions le 28 octobre 1809.

Une carrière qui commençait aussi brillamment que celle de Pitt ne devait pas suivre les mêmes phases. Il y eut comme une éclipse de près de vingt ans dans la vie de lord Palmerston ; secrétaire de la guerre en 1809 dans le cabinet de Perceval, nous le reversons secrétaire de la guerre en 1828 dans le cabinet de Wellington.