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escadre, afin de manœuvrer plus à l’aise, mais les amiraux français ne voulurent pas le suivre et s’obstinèrent à garder leur position, mus toujours par ce point d’honneur mal entendu qui devait perdre sur terre notre chevalerie. La victoire de l’Écluse assura à Edouard ses communications ; elle ruina d’un coup la marine française. Ce fut un vrai Trafalgar. L’armée anglaise alla faire sa jonction avec les troupes du comte de Hainaut, du duc de Brabant et des Flamands. Les coalisés entreprirent le siège de Tournay, qui résista héroïquement pendant onze semaines. Philippe de Valois arriva au secours de la place, mais cette fois, comme précédemment, il eut l’intelligence d’user les forces de son ennemi sans tenter de l’entraîner à un engagement général. C’est Edouard qui en revint aux règles de la chevalerie. Il proposa à Philippe de vider leur querelle par un combat singulier de cent chevaliers anglais contre cent chevaliers français. Le roi de France refusa le cartel, car il y avait tout à perdre et rien à gagner. Les Anglais finirent par se lasser d’une lutte qui se prolongeait sans résultats sérieux. La guerre était d’ailleurs pour eux fort lourde ; il leur fallait payer des alliés et s’imposer conséquemment des taxes énormes. Les Flamands faisaient mine de lâcher pied, déçus qu’ils étaient dans leurs espérances. Edouard avait reçu de mauvaises nouvelles de l’Ecosse et de la Guienne. Il demanda une suspension d’armes, et sa belle-mère, Jeanne de Valois, comtesse douairière de Hainaut, travailla activement à la paix. On convint d’assembler un congrès pour la négocier. Les armées se retirèrent, et le roi d’Angleterre repassa la mer. Une trêve fut bientôt signée ; elle devait durer six mois, mais elle expira avant que le congrès se fût réuni, et elle fut prorogée d’une année.

Edouard III employa le temps qui devait s’écouler jusqu’à la reprise des hostilités à compléter la réorganisation de ses forces. L’appel de tous ses sujets sons les armes avait eu pour effet d’attribuer à l’infanterie, dans son armée, une importance numérique qu’elle n’avait point elle auparavant. Pour que cette infanterie devînt capable de vaincre la cavalerie ennemie, il la fallait pourvoir d’armes offensives puissantes, qui suppléassent à ce qui lui manquait sous le rapport des armes défensives. Edouard substitua l’arc à l’arbalète et donna à la première de ces armes une légèreté qui en rendit le maniement facile et le tir plus prompt. Il obtint par l’emploi des flèches une partie des avantages que la mousqueterie a valus depuis. Outre les archers, le monarque anglais plaça dans son infanterie des hommes armés de couteaux et de lances. C’étaient ordinairement les plus vigoureux, venus des montagnes de Cornwall et du pays de Galles. Les archers devaient porter le désordre dans la cavalerie par les nuées de flèches dont ils l’assaillaient en un clin d’œil, et les autres fantassins s’élancer ensuite sur elle pour