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le pont à une seule arche, de 530 mètres d’ouverture, dont M. Seseman a fait le devis, restera probablement une simple fantaisie d’ingénieur.

Quoi qu’il en soit de ces objections, la route des Indes par la Perse a en Angleterre de nombreux partisans parmi les hommes qui jouissent d’une autorité scientifique incontestable : il suffit de citer le président de la Société de géographie de Londres, sir Henry Rawlinson, et le célèbre ingénieur Scott Russel, qui, dit-on, a soumis à son tour un projet détaillé au gouvernement britannique[1]. Cette ligne est en réalité la seule qui mérite d’être prise en considération parmi celles dont il vient d’être parlé, car le tracé qui utilise la ligne de l’Euphrate en la continuant le long du Golfe-Persique jusqu’à la frontière de l’Inde doit être écarté tout d’abord : cette route desservirait des régions à peine peuplées, sans importance aucune, et ne pourrait entrer en concurrence avec la navigation du golfe. Il ne reste donc que les tracés qui relient Constantinople à Téhéran, et Téhéran à Hérat, la capitale de l’Afghanistan, d’où les uns rejoignent le réseau indien à Pechawer par la route de Caboul, tandis que les autres obliquent vers le sud et passent par Candahar pour aboutir à la station de Chikarpour. C’est la seconde de ces deux solutions qui paraît rencontrer le moins d’obstacles dans la nature du terrain ; mais ces obstacles sont encore considérables, car les plateaux accidentés qu’aurait à franchir la nouvelle voie ont une hauteur moyenne de 2,000 mètres. Toutefois une étude sérieuse du terrain pour les sections de la ligne qui doivent traverser l’Afghanistan reste encore à faire. Au surplus, les difficultés matérielles seraient peut-être moins sérieuses que celles que créeraient aux ingénieurs européens l’humeur belliqueuse et le fanatisme religieux des hordes indisciplinées qui peuplent ces contrées montagneuses. Avant de pouvoir songer à tracer des routes dans ces pays mal gouvernés, il faudrait probablement les soumettre par les armes.

La section persane pourrait évidemment être abordée avec plus de sécurité. On sait d’ailleurs que plus d’une tentative a été faite pour doter l’empire du soleil des bienfaits d’un chemin de fer. Il y a un certain nombre d’années, des ingénieurs français proposèrent au shah, à titre d’essai, de joindre sa capitale par un tronçon de railway à un lieu de pèlerinage voisin ; mais cette offre ne fut point acceptée. En 1872, un financier de Londres, le baron Reuter, profita du séjour de Nasr-Eddin en Europe pour se faire octroyer la concession d’un chemin de fer et d’une foule d’autres travaux qu’il

  1. Il est juste d’ajouter que M. Ê. Pereiro avait publié un projet analogue au temps où se construisaient nos premiers chemins de fer.