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nettement la célèbre circulaire du prince Gortchakof, écrite après la prise de Tachkend en 1864, toutes les nations civilisées qui se trouvent entourées de tribus turbulentes sont forcées, pour protéger leurs sujets, de s’étendre peu à peu jusqu’à ce qu’elles rencontrent devant elles des populations sédentaires vivant paisiblement sous un régime régulier.

Après avoir entamé le Khokand en 1853 par la prise de la forteresse d’Ak-Mesdjid, les Russes s’établirent à l’est du khanat, au sud du lac Balkhach, où les forts de Kopal et de Vernoë leurs fournissaient une base d’opération. La ligne de leurs postes fortifiés s’avança pas à pas jusqu’au pied des monts Thian-chan, où le fort de Narim fut érigé sur les frontières mêmes de la Kachgarie. Enfin, au printemps de 1864, le général Tchernaïef s’empara des principales villes du khanat : Auli-Ata, Hazret, Chemkend, Tachkend, — ville de près de 100,000 âmes, qui est devenue le centre commercial de la Russie d’Asie et la capitale de la province du Turkestan, instituée par un ukase impérial au mois de janvier 1865. Le khan de Khokand, ayant accepté le protectorat de la Russie, fut laissé en possession de ce qui restait de ses états. Puis vint le tour de l’émir de Bokhara. Battu une première fois en 1866, puis de nouveau en 1868, il dut se résigner à un traité de paix qui accordait aux négocians russes toute liberté d’aller et venir sur son territoire et qui réduisait à 2 1/2 pour 100 les droits de douane sur les marchandises importées. Il perdit aussi la ville de Samarcande : après l’avoir gardée pendant deux ans comme garantie du paiement de l’indemnité de guerre, le général von Kauffmann annonça en 1870 qu’elle était incorporée dans la province du Turkestan. Soutenu plus tard par les armes russes contre son propre fils, l’émir de Bokhara a perdu son prestige aux yeux des populations musulmanes et n’est plus, à vrai dire, qu’un vassal du tsar.

Des trois khanats de l’Asie centrale, Khiva seul gardait encore son indépendance et obligeait les caravanes de Tachkend à faire de longs détours pour entrer en Russie ; les pirates turcomans pillaient les navires marchands de la Caspienne et vendaient les matelots comme esclaves. Après avoir fondé en 1869 la station de Krasnovodsk sur la rive orientale de cette mer intérieure, les Russes entreprirent en 1872 l’expédition de Khiva, qui a fait du khan Mohammed-Rachim l’humble vassal de son puissant voisin. Il a perdu toute la rive droite de l’Amou-Daria, qui a été donnée à l’émir de Bokhara ; son territoire est désormais ouvert aux négocians russes, les marchandises sont affranchies des droits de douane et de transit, l’esclavage est aboli, et le khan renonce à la faculté d’entretenir des relations directes avec d’autres souverains. Un fort