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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet 1876.

Il faut bien l’avouer, l’optimisme aurait beau se payer d’illusions, tout est laborieux et pénible dans les affaires publiques du moment. Il y a les choses visibles, les accidens qui se succèdent, les événemens extérieurs ou intérieurs qui agitent la diplomatie ou les parlemens, et il y a aussi ce qu’on ne voit pas, ce qu’on sent, ce malaise indéfinissable des situations sans fixité et sans garanties, qui restent livrées à l’Imprévu. Certainement cette guerre qui vient d’éclater entre Serbes et Turcs, qui met aux prises des passions de race et de religion, cette guerre est une complication de plus dans toutes les complications de la question orientale ; elle laisse l’Europe en présence d’un problème qui à chaque instant peut s’aggraver ou changer de face, et dont. toutes les politiques, tous les intérêts occidentaux doivent nécessairement s’émouvoir. C’est l’inconnu, le point obscur et inquiétant pour tout le monde. L’inconnu d’un ordre particulier pour la France, c’est en vérité ce qui se passe depuis quelque temps à Versailles et à Paris, dans le monde parlementaire, dans les relations de tous les pouvoirs, dans les rapports du gouvernement avec les partis, de sorte que nos affaires intérieures ne marchent pas mieux que les affaires générales de l’Europe ; elles souffrent du même mal de l’incohérence et de l’incertitude. Sans doute il y a en France, dans la masse du pays, un intime et puissant désir de sécurité qui contient les partis et détourne les crises violentes, comme il y a en Europe un profond besoin de paix qui domine iles gouvernement, enchaîne les mauvaises volontés et limite les conflits. Il n’est pas moins vrai que si ce goût salutaire et une certaine émulation de sagesse règnent un peu partout, il y a aussi le sentiment intime, inquiet des difficultés d’une situation qui se résume pour la France dans une vie intérieure assez disputée, pour l’Europe dans une paix assez précaire ; c’est en un mot l’histoire du moment.