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d’échapper à une crise soudaine naissant de quelque motion improvisée, et sans le vouloir, par un système de ménagemens dangereux pour son existence, pour l’autorité morale du, gouvernement, pour la république elle-même, il finit par se créer une position subordonnée et précaire. Au lieu d’imprimer la direction, il semble trop souvent l’attendre de la mobilité et de l’incohérence des partis. Les républicains de leur côté peuplent la chambre. Ils forment une majorité considérable ou du moins une apparence de majorité. Ils soutiennent le ministère, ils le disent, ils le répètent sans cesse, et en même temps, dès qu’une occasion se présente, ils se hâtent de lui créer des embarras, de l’affaiblir par les concessions qu’ils lui imposent, par l’incertitude du concours qu’ils lui prêtent ; ils se divisent au premier appel de quelque proposition excentrique, si bien qu’on en vient à cette condition singulière où le ministère n’est jamais certain d’avoir une majorité pour l’aider à vivre et où la majorité elle-même n’est pas certaine coexister. C’est là justement la question, c’est la faiblesse de la situation du moment, et après tout c’est lai république elle-même qui en souffre le plus. Ce n’était pas la peine de se livrer l’autre jour à tant d’exclamations parce qu’un député, accusé de vouloir déconsidérer la république, prétendait ironiquement qu’il n’avait pas à s’en mêler, que d’autres suffisaient bien. Le fait est que, jusqu’ici du moins, si le ministère n’a pas montré l’esprit d’initiative qui assurerait son autorité, les républicains ont de la peine à s’accoutumer à la discipline par laquelle ils pourraient être une force de gouvernement, sans laquelle ils ne sont qu’une force de dissolution.

Qu’on ne s’y trompe pas, c’est là aujourd’hui la vraie difficulté. On parle sans cesse de la majorité républicaine, de la nécessité pour le gouvernement de s’appuyer sur la majorité républicaine, de vivre avec elle et par elle ; mais c’est en vérité répondre à la question par la question. Où est-elle, la majorité républicaine ? où commence-t-elle et où finit-elle ? comment est-elle composée, et quelle est sa politique ? Il n’y a qu’un malheur ; cette majorité qui existe par le nombre sans doute, n’est moralement et politiquement qu’une fiction, et tous les élémens discordans agglomérés sous ce nom resteront une force incohérente tant que les partis républicains réellement modérés n’auront pas réussi à se dégager de toute solidarité avec les violens et les fanatiques, tant qu’on se croira obligé de tout sacrifier à ce qu’on appelle l’union des trois ou quatre gauches. La faiblesse du ministère est précisément dans cette équivoque d’une alliance plus apparente que réelle, mais toujours onéreuse, avec dès partis qui le compromettent ou qui l’abandonnent selon leur intérêt ou leur passion du moment. Il y a un an, dans la dernière assemblée, M. Buffet croyait avoir besoin des bonapartistes dans l’intérêt conservateur, et il les ménageait pour avoir leur vote ; il ne lisait pas les rapports des enquêtes parlementaires sur leurs agitations et leurs