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s’agit de savoir si les civilisations de l’Égypte et de l’Assyrie, antérieures de tant de siècles à ces Hellènes que les prêtres de Thèbes, au temps des guerres médiques, appelaient des enfans, ont appris aux Grecs l’architecture, la statuaire, les principes de l’industrie. Étudiez les monumens de l’Asie-Mineure, des pays qui ont pu révéler Ninive et Babylone aux villes d’Ionie ; classez-les selon l’ordre des temps, marquez-en la distribution géographique, comparez-les aux plus anciennes œuvres grecques ; d’une suite de faits précis résulte une doctrine. La Grèce a pris de l’Assyrie les procédés techniques que l’Égypte avait donnés à l’Asie. Sous l’influence de ces empires s’est formée la civilisation gréco-lydienne, qui a été le berceau de l’art grec ; mais l’hellénisme, si fort aidé qu’il ait pu être par le progrès de tant de générations, n’a trouvé qu’en lui-même le sentiment du beau. Tout ce qui est accessoire, il l’a emprunté ; ce qui est important, ce qui est devenu divin sous l’influence de son génie, il ne l’a du à personne. Ainsi un travail tout d’érudition, de comparaisons matérielles entre des objets souvent en apparence insignifians, presque toujours grossiers, des recherches qui paraîtraient fastidieuses à beaucoup de lettrés, ont pour résultat une découverte dont la haute valeur n’échappe à aucun historien.

Le chapitre VII explique quelques inscriptions grecques des côtes de la Mer-Noire, dédicaces aux dieux, hommages aux magistrats, souvenirs de piété filiale à l’égard de parens morts. Ces textes sont très simples : qu’on y regarde de près, ils nous permettent de retrouver l’administration municipale, l’organisation politique, la hiérarchie religieuse de cette partie de l’empire au IIe et au IIIe siècle de notre ère. L’auteur va plus loin : par l’étude de ces seuls marbres, il montre très bien la part d’autonomie laissée aux vaincus, l’autorité propre aux représentans du pouvoir central, plus tard la disparition de toute indépendance, le pouvoir des gouverneurs amoindri, dès lors plus exigeant, presque mesquin, le malaise et la pauvreté des sujets, la tyrannie des maîtres, la faiblesse de tous. C’est un lieu-commun pour les personnes quelque peu au fait de ces questions que l’histoire de l’administration antique doit être demandée aujourd’hui à l’épigraphie. Cette conviction, M. Perrot l’impose aux esprits qui sont le moins bien préparés à l’admettre. Les inscriptions sont les chartes des deux grandes civilisations classiques, elles en constituent les archives ; elles nous permettent de saisir sur le fait et dans la vérité de la vie le mécanisme de toutes ces fonctions, que la race hellénique varia à l’infini, cette harmonie du monde romain, que les vaincus admiraient à l’égal des vainqueurs, et dont nul cependant ne nous a donné les détails.

Si nombreux que soient les faits nouveaux que l’archéologie fait connaître, elle est surtout d’un secours précieux quand il s’agit de retrouver le caractère des générations disparues. Elle a d’abord à cet égard un mérite que nul ne conteste : seule elle nous révèle les transformations