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vitales, des cellules vivantes. Qu’y a-t-il d’étonnant que, par une résultante des forces de cette espèce, la vie des parties engendre la vie du tout ?

On le voit, la nature est parfaitement simple dans ses procédés, suivant les principes du mécanisme. La loi des résultantes n’est pas seulement une loi physique ou chimique, c’est aussi une loi organique : c’est la loi de la vie universelle. Il n’y a dans la nature que des élémens et des composés, des parties et des touts. Les unités individuelles, comme les unités dites collectives, se forment par agrégation. Les résultats ne sont jamais que les produits des résultantes. L’idée de finalité est une fiction qu’il faut renvoyer à la psychologie, sous peine de fausser ou d’obscurcir les véritables notions scientifiques. Dira-t-on encore que, dans le règne organique, c’est en vue du tout que se forment les parties, et que c’est par le tout que s’explique la partie, tandis que, dans le règne inorganique au contraire, c’est par les parties que s’explique la formation du tout ? Quand on va au fond des choses et qu’on demande la vérité à l’analyse, à l’observation et non à de trompeuses analogies, on reconnaît que la nature ne procède pas par des voies aussi contraires. De même que les corps bruts se forment par la composition de molécules élémentaires, de même les corps organisés se forment par la composition des cellules vivantes. Les unités qui en résultent n’ont pas d’autres propriétés essentielles que leurs composans, dans un règne comme dans l’autre. Il faut dire essentielles pour ne pas tomber dans l’étrange doctrine des unités cellulaires douées, non-seulement d’irritabilité, mais de sensation, de conscience et de perception. Il est trop clair que les fonctions psychologiques proprement dites, comme la sensation, la perception, la conscience, etc., n’appartiennent qu’à l’individualité qui est la résultante des unités cellulaires.

Le principe de finalité ne dépasse point le domaine de l’activité humaine : c’est la conclusion de tout ce qui vient d’être dit. Est-ce la conclusion finale absolue ? Non. La nouvelle école psychologique anglaise dont un esprit tout français, M. Taine, a si nettement résumé la méthode et les conclusions, va plus loin encore. Elle trouve qu’en y regardant de plus près, il est possible de se convaincre que la finalité n’est qu’une illusion de conscience, comme l’unité du moi, l’autonomie, le libre arbitre, et tous les autres faits invoqués par la psychologie spiritualiste, pour établir la base d’une doctrine morale. Les révélations de la science, les analyses de la physiologie cérébrale, ne permettent plus de mettre en doute le rapport constant et intime entre la série des mouvemens moléculaires du cerveau et la série de nos actes intellectuels. Que ces deux ordres de phénomènes ne soient que les deux aspects d’une seule et même